Chère Madame,
« Sans la liberté de blâmer, il n’est pas d’éloge flatteur »
Permettez-moi de reprendre la devise du Figaro, non pas pour vous « blâmer », car vous n’êtes pas fautive, mais vraisemblablement mal informée - volontairement ou non -. Je souhaiterais simplement rectifier quelques erreurs, après vous avoir félicitée de vous intéresser, et par là vos lecteurs, à la situation des Français de l’étranger.
Oui, il est vrai que l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger (AEFE) joue un grand rôle dans l’enseignement français à l’étranger. Bravo donc pour l’AEFE et ses résultats, dus aux enseignants mais aussi au large réseau mondial. Et c’est tant mieux si les enfants américains aux Etats-Unis recherchent les écoles françaises. Avec un petit bémol : c’est qu’ensuite, ils se dirigent vers les universités américaines…
Mais voyons ce « grand chamboulement » qui nous fait réagir et qui demande quelques explications. Sachez d’abord que tant le Président Mitterrand, que le Président Chirac et que Ségolène Royal l’avaient dans leur programme électoral.
La promesse écrite du candidat Nicolas Sarkozy pour les enfants français portait sur « les classes de Lycée ». C'est-à-dire à partir de la seconde. Elle est tenue aujourd’hui et les parents d’élèves qui en bénéficient (et ceux qui en bénéficieront lorsque leurs enfants seront dans ces classes là) en sont satisfaits.
Permettez-moi ici de corriger quelques erreurs, certainement involontaires.
Non, la mesure n’est pas « incitative ». On ne peut pas s’inscrire en seconde ou en première sans avoir fait auparavant sa scolarité dans une école française. Quant au déménagement pour obtenir la scolarité gratuite dans les seules classes de lycées dans un autre pays, l’argument parait pour le moins surprenant car toute la scolarité est gratuite en France. En 2009, il y avait 173.055 enfants scolarisés dans les écoles en gestion directe et conventionnées de l’Agence ; le reste dans les écoles dites homologuées, c'est-à-dire privées et indépendantes qui suivent un programme pédagogique reconnu par le ministère de l’éducation nationale. Le nombre d’enfants a très peu augmenté. Cette augmentation est surtout due aux nouveaux expatriés pour raisons professionnelles. Sur le total de quelque 243.000, environ 100.000 sont français donc 40 % seulement. 60 % sont des enfants du pays d’accueil et de pays tiers.
Non, la mesure ne coûte pas 100 millions d’Euros. 30 millions d’Euros étaient prévus au budget 2009 pour la prise en charge. La dépense a été de 27,35 millions. Certes le budget 2010 prévoit 106 millions, mais 64 millions concernent les bourses scolaires pour les enfants défavorisés, sur toutes les classes de la maternelle à la terminale. Le nombre de prises en charge des frais de scolarité était l’an dernier de 5.887. Cela correspond à une prise en charge par l’Etat de 4.485 Euro par élève. En comparaison le coût moyen en France est de 10.000 Euros par élève. Non, Il n’y a pas de « conséquences préoccupantes liées à l'équité et à la discrimination ». Pour les enfants du pays d’accueil, les écoles françaises sont un choix volontaire. Les parents français à l’étranger eux n’ont pas le choix. L’école française est « quasi » obligatoire. Pour conserver leur culture et réintégrer une école en rentrant en France. Quant au « cas » de Londres, pour autant que je sois bien informé, il ne s’agissait que d’un seul cas provocateur…
Non, les entreprises continuent à rembourser aux parents les sommes versées par ces derniers aux écoles pour autant que cela fasse partie de leur contrat d’expatriation. Bien entendu, si l’Etat prend en charge les frais dans les classes de lycée, les entreprises ne remboursent pas les familles. Comme l’Etat qui verse un « avantage familial » aux fonctionnaires, qui ne peuvent bien sûr pas avoir droit « deux fois » au soutien financier de l’Etat.
Non, le rapport auquel vous faites allusion n’est pas juste et il est même dangereusement tendancieux. Les quelque 2,5 millions de Français qui vivent à l’étranger ne sont pas tous fonctionnaires, loin de là. Seuls les fonctionnaires, et ceux qui y ont des revenus, paient des impôts en France. Le plus grand nombre paie certes des impôts à l’étranger mais y travaillent et le plus souvent contribuent aux exportations et au rayonnement de la France. Même les binationaux sont d’abord français. N’ouvrons pas un débat sur l’ « identité nationale » qui serait très mal venu.
Enfin, pour ce qui est du débat auquel vous faites allusion dans votre dernier paragraphe, il est clos depuis le printemps dernier puisque le Président de la République a décidé un moratoire – crise financière oblige – et de ne pas étendre cette prise en charge de la scolarité aux classes au dessous de la seconde. Et ce, avant même que le Parlement ne s’en préoccupe.
Alors oui, vous avez raison. Prendre en charge tous les frais de scolarité des enfants français dans les écoles à l’étranger de la maternelle à la terminale coûterait 400 millions d’Euros. L’Etat ne peut financièrement pas. En tout cas pas pour l’instant. Il s’agit aussi d’éviter les dérapages budgétaires et les augmentations des frais de scolarités remboursables. J’ai donc proposé que l’AEFE fixe, par établissement, une somme de prise en charge maximale par l’Etat, sur la base du niveau de 2009, révisable sur un taux annuel d’inflation de 2%. Si les tarifs augmentent dans les écoles au dessus du remboursement par l’Etat, les parents d’élèves paieront la différence. Cela évitera une explosion du budget prévu par le Parlement.
Espérant que ces précisions vous seront utiles et restant à votre disposition pour tout complément d’information, je vous prie d’agréer, chère Madame, l’expression de ma considération la meilleure.
Commentaires