Rapport du stage effectué par le Sénateur Louis Duvernois au Service des Français nés et établis hors de France.Paris, du
11 au 14 février 2008La Commission des Lois et Règlements de l’Assemblée
des Français de l’Etranger s’est penchée à plusieurs reprises sur la nécessaire
réorganisation d’un service qui octroie, avec les lenteurs constatées, des
certificats de nationalité française, seule preuve de la qualité de français.
Cette réorganisation est d’ailleurs une des recommandations d’une mission
parlementaire visant à l’amélioration du traitement des demandes formulées pour
les Français résidant hors de France.Pour appuyer cette démarche je me suis rendu au TGI
au Palais de justice de Paris et dans le service situé 30, rue du Château des
Rentiers dans le XIIIème arrondissement de Paris. J’ai saisi, à l’issue de mon
stage, la Garde des Sceaux, ministre de la Justice, Rachida Dati qui dans sa
réponse du 7 avril 2008 s’est engagée à prendre en compte mes observations sur
deux points :
- Traitement des demandes dans des « délais
raisonnables »
- Réflexion sur « l’évolution de la carrière
des magistrats » à Paris.
Rappelons que le 22 janvier 2008, lors de
l’audience solennelle de rentrée du TGI de Paris, le président de cette imposante
juridiction, Jacques Degrandi, rencontré au cours du stage, avait affirmé que
le temps était venu de « favoriser leur carrière à Paris » en offrant
à ces personnels des « bonifications indiciaires significatives ou des
logements attractifs pour les fixer dans nos murs ».
La revendication paraît normale dans le contexte
social de la fonction publique. Cependant, les traitements alloués ne
permettent plus aux agents d’exécution de faire face au coût élevé de la vie à
Paris La conséquence directe en est la multiplication des demandes de mutations
en province et l’emploi croissant d’agents non statutaires. Le propos n’a donc
rien de syndical. On le vérifie chaque jour sur le terrain.
Concernant la reconnaissance de l’état de français,
deux arrêtés du Conseil d’État du 13 juin et du 27 juillet 2005 retirent aux
consulats le droit jusqu’alors exercé de mettre en forme et de transmettre les
requêtes. Il en a résulté une hausse des saisines et du caractère inexploitable
de nombreuses demandes initiales. Ne bénéficiant plus de cet appui logistique
consulaire, le service de la Nationalité est directement destinataire de tout
type de demandes, parfois sans fondement véritable, souvent partielles et
lacunaires ou dépourvues de plusieurs pièces nécessaires.
Les très graves difficultés que traverse
actuellement le service de la Nationalité ne pourront ainsi s’aplanir que si le
niveau des saisines « s’effondre
littéralement » - expression utilisée au TGI – et, aussi, « durablement » dans le futur,
à moins de mettre en œuvre la réorganisation administrative proposée par la
Mission d’inspection des greffes.En d’autres termes, le service de la Nationalité,
soucieux d’un service public, juste et équitable, est dans une totale impasse
et ne peut bien fonctionner sous le double effet d’un manque de moyens en
ressources humaines et d’une accumulation des dossiers de demandes. Quelques
chiffres révélateurs : les demandes totales reçues, de 9463 en 2004 atteignent 43064 en 2007 soit un différentiel
de + 355,07 %. Le nombre de dossiers de Certificats
de nationalité française (CNF), pour les mêmes années, sur les dossiers en
cours, est passé de 6507 à 15963 soit + 145,32% et de CNF, affaires terminées, de 5775 à 9796 soit + 69,63 %.Les difficultés rencontrées relèvent, entre autres,
de la nature des cas individuels, du droit évolutif de la nationalité et de ses
avatars : filiation, état civil, règles de conflit de lois, lois
étrangères de nationalité, etc. Mais elles relèvent également de la méconnaissance,
même minimale du service, de la part de l’usager, de beaucoup de « professionnels » du droit, y
compris d’avocats, ou d’autorités diverses. La liste des notes de service
diffusées depuis le transfert de compétences consulaires en 2005 est impressionnante.
S’ajoutent, sur les territoires anciennement sous présence française, des
textes différents qui ont régi l’état civil et la filiation des personnes de
statut civil de droit commun et de droit local. La même attention est portée au
respect des textes étrangers relatifs à la filiation ou à l’état civil comme
des conventions bilatérales ou multilatérales.
Des constats généraux :
● Un grand nombre de demandes émanant de personnes
n’ayant aucune possession d’état de Français ou n’en ayant plus depuis
l’accession à l’indépendance de leur pays d’origine.● La part massive des personnes originaires
d’Algérie et ce, quel que soit leur lieu de résidence dans le monde.
Cette part qui peut atteindre 55 % des cas mobilise considérablement le
service, d’autant plus qu’il s’agit souvent de dossiers difficiles et délicats
soulevant des problèmes de filiation pouvant remonter jusqu’en 1850 et même
au-delà.● La part importante de dossiers dépourvus de tous
actes d’état civil consulaires ou d’actes établis ou transcrits au service
central de l’Etat Civil.
● La proportion des rejets de demandes de CNF, environ
75 %. Ils sont passés de 50-55 % environ à 75 % depuis le décret du 13 mai 2005.● L’augmentation des délais de réponse incite
l’usager à appeler davantage pour obtenir des informations sur son dossier et
le « standard téléphonique
explose ».
Le phénomène de la fraude conduit à des
vérifications sur la rigueur de tenue de l’état civil local, au questionnement
d’intervenants dans le processus et à mesurer autant que faire se peut l’ampleur
des usurpations d’identitéDes solutions ?Le budget de la Justice est notoirement insuffisant.
La réforme récente de la carte judiciaire en est une manifestation.
L’application au sein de la fonction publique des lois et règlements dans le
souci républicain de neutralité et d’équité de traitement, se heurte au
sous-effectif, au manque d’espace et de moyens matériels et budgétaires. La suppression du
« filtre » des consulats, depuis 2005, et la centralisation des
activités à Paris génèrent une accumulation des dossiers à traiter.Dans l’état actuel des
choses, 34 emplois seraient nécessaires pour un meilleur fonctionnement soit 10
de plus que ceux existants actuellement. Pour résorber le retard accumulé, il
faudrait y ajouter trois vacataires durant une année.L’augmentation
exponentielle des activités du service de la Nationalité exige la création
prioritaire d’une véritable structure de traitement de courrier qui aura
vocation à reprendre les prérogatives auparavant dévolues aux autorités
consulaires.Sinon l’enlisement guette
le Service et les délais de réponse apportés aux demandes d’obtention d’un certificat
de nationalité française continueront à s’allonger, le minimum moyen d’attente
à ce jour étant de deux ans.
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