Cet amendement porte sur la couverture chômage de nos compatriotes
expatriés.puis les années soixante-dix, à titre
facultatif, et depuis la fin de 1979, à titre obligatoire pour les sociétés de
droit français, les salariés français expatriés peuvent s'assurer contre le
risque chômage.
Cette disposition résulte de l'adoption, à
la fin de 1979, d'un amendement dont j'étais l'auteur. Le Parlement était alors
réuni en session extraordinaire. Monsieur le président, nous sommes sans doute
peu à nous souvenir que Robert Boulin, siégeant alors au banc du Gouvernement,
s'en était alors remis à la sagesse dela Haute Assemblée, laquelle avait soutenu ma proposition malgré les réticences du CNPF.
Nous fûmes tous consternés en apprenant, quelques jours plus tard, la mort de
Robert Boulin, dans des conditions affreuses.
Les salariés français expatriés peuvent
donc s'assurer contre le risque chômage, soit individuellement, soit par
l'intermédiaire de leur employeur. L'adhésion à l'assurance chômage doit avoir
lieu dans les douze mois suivant leur date d'embauche à l'étranger. Le taux de
leur contribution est identique à celui des salariés travaillant sur le
territoire français.
En revanche, ces salariés français
expatriés, lorsqu'ils se trouvent privés d'emploi, sont dans l'obligation, pour
pouvoir bénéficier des prestations et des indemnisations liées à leur
situation, de rentrer en France et de s'inscrire comme demandeurs d'emploi
auprès de l'ANPE et des ASSEDIC, conformément aux articles L. 311-2 et
L. 311-6 du code du travail.
Or, ce retour en France n'est pas la
solution la plus opportune. En effet, outre les frais et les problèmes qu'il
induit, il empêche le demandeur d'emploi de mettre à profit son expérience
spécifique qui, bien souvent, lui permettrait de retrouver un travail plus
rapidement et plus facilement en demeurant sur place.
Soyons clairs : quand vous êtes
installé depuis de nombreuses années à Dakar, à New York ou à Santiago du Chili
et que vous vous trouvez privé d'emploi, le choix qui s'offre à vous est
simple : ou bien vous renoncez à rentrer en métropole et à toucher vos
prestations, ou bien vous abandonnez votre lieu de résidence, votre famille,
pour devenir demandeur d'emploi en France ! C'est donc une situation
extrêmement grave.
Nous interrogeons depuis fort longtemps le
Gouvernement et les partenaires sociaux sur ce sujet. Lorsque Mme Notat
présidait l'UNEDIC, j'avais eu avec elle des entretiens très poussés sur ce
point. Elle avait bien voulu reconnaître le bien-fondé de ma proposition.
Malheureusement, son départ a tout remis en cause.
À l'époque, les partenaires sociaux
étaient réservés parce qu'ils se demandaient comment il serait possible
d'opérer un contrôle quant à la recherche effective d'un emploi par nos
compatriotes restés à l'étranger. Or, depuis quelques années, les comités
consulaires pour l'emploi et la formation professionnelle ont été mis en place,
et je peux affirmer devant la Haute Assemblée qu'ils ont fait leurs preuves lors de l'application de la loi de
modernisation sociale de 2002, aux termes de laquelle l'État prend en charge un
tiers des cotisations à la Caisse de
sécurité sociale des Français de l'étranger, que j'ai l'honneur de présiderJ'en apporte le témoignage : leur travail est tout à fait remarquable et
précis, et ils prennent en compte tous les critères pour éviter toute fraude,
tout abus.
Telles sont les raisons qui m'amènent à
demander au Sénat de bien vouloir voter cet amendement, qui, je dois le dire,
est très cher au coeur de nos compatriotes établis à l'étranger.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Catherine
Procaccia, rapporteur. M. Cantegrit a déjà exposé la situation, qu'il connaît
parfaitement, devant la commission. Il est en effet assez difficile d'imaginer
que l'on puisse exiger d'un compatriote qu'il revienne du fin fond de la Chine ou du Brésil pour pouvoir bénéficier des prestations auxquelles il
peut prétendre ; en outre, la possibilité existe effectivement d'adhérer
volontairement aux ASSEDIC et de verser les cotisations afférentes. De fait, la
situation ne semble pas très normale.
Il paraît évident que la loi française
doit s'appliquer pour les sociétés de droit français. Cependant, notre collègue
a fait observer que le problème se posait plutôt pour les sociétés de droit
local. En d'autres termes, comment appliquer le droit français à
l'étranger ?
M. Nicolas About, président de la commission des affaires
sociales. Eh voilà ! Ce n'est pas
possible !
Mme Catherine
Procaccia, rapporteur. Les comités consulaires pour l'emploi et la formation professionnelle
permettent de lever l'incertitude sur le contrôle, dont l'absence constituait
un gros obstacle. Néanmoins, je m'interroge : quand on est dans un pays
aussi vaste que la Chine et que
l'on travaille, par exemple, à Chengdu - ville que je connais parce que
l'entreprise qui m'employait y était implantée -, n'est-il pas plus
difficile de se rendre dans un autre point du pays pour se soumettre au
contrôle du comité consulaire que de revenir en France ?
C'est la raison pour laquelle je souhaite
entendre l'avis du Gouvernement. La commission a pour l'instant émis un avis de
sagesse réservée, mais elle suivra la position qu'exprimera Mme le
ministre.
M. le président. Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
Mme Christine Lagarde, ministre. Monsieur Cantegrit, vous avez raison de soulever le problème, car les
Français seront de plus en plus nombreux à passer des périodes hors de France
pour exécuter des prestations en qualité de salariés soit de sociétés
françaises ayant des établissements à l'étranger, soit de sociétés de droit
local, soit encore de sociétés étrangères.
Je voudrais vous faire une proposition,
même si je m'attends à ce que vous ne l'appréciiez guère : je vous invite
à retirer votre amendement au bénéfice de l'engagement de ma part de conduire
un travail, qui est à mon avis indispensable, sur le thème plus large du statut
du salarié français employé à l'étranger. En effet, la perte d'emploi n'est pas
le seul problème qui se pose, loin de là ! On peut également citer la
question de la loi applicable au contrat de travail en l'absence de disposition
spécifique, la question du recensement de l'ensemble des salariés français
travaillant à l'étranger, la question du bénéfice de l'indemnisation, la
question du contrôle de la recherche effective de l'emploi, dont je reconnais
que les comités consulaires, dans les pays où ils existent, pourront certes
s'acquitter...- mais tel n'est pas le cas dans tous les pays. Il me semble
qu'une réflexion de fond doit être menée sur l'ensemble de ces problèmes.
Je vous demande donc de retirer votre
amendement, monsieur le sénateur, sous le bénéfice de cette proposition
d'examiner de manière beaucoup plus large le statut des Français vivant et
travaillant à l'étranger. La discussion de la nouvelle convention d'assurance
chômage pourrait en particulier fournir l'occasion à un groupe de travail
spécifique de se pencher utilement sur la question du statut des Français
expatriés et du bénéfice qu'ils doivent pouvoir tirer d'une affiliation aux
ASSEDIC, volontaire dans certains cas, du fait de leur entreprise dans d'autres
cas, lorsque celle-ci, entreprise française, aura maintenu le bénéfice au moyen
du paiement des cotisations pour ceux de ses salariés qu'elle souhaite
continuer à soumettre au droit français.
À défaut de retrait, le Gouvernement
émettra un avis défavorable.
M. le président. Monsieur Cantegrit, l'amendement n° 29 rectifié est-il
maintenu ?
M. Jean-Pierre
Cantegrit. Madame le ministre, ce que j'attends de
vous - je vous le dis très franchement -, c'est que vous vous en
remettiez à la sagesse du Sénat et non que vous émettiez un avis
défavorable !
Vous me demandez de retirer cet amendement
pour laisser le temps de procéder à des études. Nous travaillons sur ce sujet
depuis des décennies, madame ! L'Assemblée des Français de l'étranger a
développé ses arguments devant des représentants tant de votre ministère que
des autres ministères compétents. J'ai indiqué tout à l'heure l'élément nouveau
que constituent les comités consulaires pour l'emploi et la formation
professionnelle : si la loi de modernisation sociale de 2002 les reconnaît
comme valables quand il s'agit de l'aide que l'État accorde aux personnes
bénéficiant de l'assistance d'un tiers pour adhérer à la caisse des Français de
l'étranger en troisième catégorie, je ne vois pas pourquoi ils ne pourraient
assumer un rôle similaire dans le cas qui nous occupe !
Madame le rapporteur, prenant l'exemple de la Chine, vous objectiez tout à l'heure que l'on ne peut pas forcément
installer un comité consulaire pour l'emploi dans toutes les régions du pays.
Mais il y en a un à Pékin, un autre à Shanghai, à Hong Kong, dans toutes les
grandes villes... Les comités consulaires pour l'emploi auront donc tous les
éléments pour pouvoir en juger.
Je souhaite que la Haute Assemblée puisse se prononcer sur cette proposition, car nos compatriotes,
qu'ils soient membres de l'Union des Français de l'étranger ou de l'Association
démocratique des Français de l'étranger, c'est-à-dire toutes sensibilités
confondues, attendent un vote sur cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Christine Lagarde, ministre. Monsieur le sénateur, il ne s'agit bien entendu pas de remettre en cause
le rôle ni l'efficacité des comités consultatifs ; je tiens d'ailleurs à
rendre hommage au rôle qu'ils ont pu jouer depuis leur mise en place dans le
cadre de la loi de 2002, ainsi qu'à votre travail en la matière.
Pour autant, ce qui est en jeu au-delà de
cet amendement, c'est le droit à indemnisation des salariés expatriés. Cette
question mérite d'être débattue au fond et explorée paritairement au sein de
l'institution nouvelle, de façon que soit déterminé à quelles conditions et
dans quel cadre de contrôle seront versées les indemnités.
Il n'est dans l'intention de personne de
brimer les salariés qui appartiennent à la catégorie des Français de l'étranger
- dont au demeurant j'ai moi aussi relevé en mon temps. Cependant, il ne s'agit
pas non plus de fixer les conditions de l'indemnisation à la hâte et sans
examen préalable avec les partenaires sociaux.
C'est pourquoi, monsieur le sénateur,
cédant à votre talent oratoire, j'émettrai sur cet amendement un avis de
sagesse, mais - permettez-moi de l'exprimer très clairement - de
sagesse défavorable.
M. Alain Gournac. Il faut retirer l'amendement !
Mme Christine
Lagarde, ministre. Quoi qu'il en soit, je réitère ma proposition, à laquelle je donnerai
même la forme d'un engagement : nous demanderons qu'au sein de
l'institution soient examinées spécifiquement, de manière paritaire, les
conditions d'indemnisation et de contrôle des demandeurs d'emploi français à
l'étranger.
M. le président. La parole est à Mme Joëlle Garriaud-Maylam, pour explication de vote.
Mme Joëlle
Garriaud-Maylam. Je suis bien sûr tout à
fait favorable à l'amendement du sénateur Jean-Pierre Cantegrit.
Il me semble néanmoins qu'une solution
pourrait être trouvée dans la sagesse exprimée par Mme le ministre.
Nous avons effectivement besoin d'une
étude qui pourrait aller au-delà de cette question. (Mme la ministre acquiesce.) Vous vous souvenez de l'amendement
que j'ai présenté hier concernant une base de données des Français à la
recherche d'un emploi à l'étranger ou y travaillant déjà ; une grande
étude concernant le statut et tous les aspects des conditions du travail à
l'étranger est nécessaire.
Madame le ministre, une solution serait
peut-être aussi un engagement dans le temps : dans la mesure où nous
travaillons depuis très longtemps, au sein de l'Assemblée des Français de
l'étranger, sur la question que vient d'exprimer M. le sénateur Cantegrit,
un engagement de votre part dans le temps, en mettant tous les moyens
nécessaires pour cela, pourrait constituer une solution.
M. Alain Gournac. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Christine Lagarde, ministre. Je suis toujours sensible aux arguments des sénateurs représentant les
Français établis hors de France.
Dans le cadre de la préparation de la
nouvelle convention d'assurance chômage, une conférence se tiendra avant la fin
du mois de mars afin d'établir les bases de la négociation.
Parce que ce sujet concerne à la fois les
Français de l'étranger et l'attractivité du territoire français, qui me paraît
également importante, je vous propose de l'inscrire à l'ordre du jour de cette
conférence, de façon qu'il soit examiné au mois de mars. Tel est le délai sur
lequel je peux m'engager.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 29 rectifié.
(L'amendement
n'est pas adopté.)
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