Mission économique, Service économique, UBIFRANCE… Autant de dénominations méconnues du grand public mais recouvrant des activités indispensables au service de la présence française à Shanghai, que leurs représentants ont accepté d’expliquer aux lecteurs de la Lettre de Shanghai : Mme Isabelle FERNANDEZ, directrice de la Mission économique-Ubifrance, et M. François BLANC, Conseiller économique, Chef du Service économique dans notre circonscription.
Lettre de Shanghai : Le marché chinois ressemble-t-il à l’eldorado des productions à bas coût dont on entend souvent parler en France ?
François Blanc : Non, la Chine n’est pas un eldorado. Ce marché, s’il est très porteur, reste difficile à l’installation et au développement. Par ailleurs, la Chine constitue de moins en moins une zone de production à bas prix, du fait de la hausse des coûts (foncier, main d’œuvre, fiscalité et charges sociales) qui accompagne l’émergence de ce pays. A un entrepreneur qui arriverait à Shanghai avec cette idée en tête, sans projet solide, ni préparation suffisante, ni accompagnement (notamment par les services d’Ubifrance, de la Chambre de commerce (CCIFC), de consultants ou d’avocats), je répondrais : « Réveillez-vous ! »
L’installation des entreprises françaises en Chine procède de plusieurs causes, la recherche d’un surcroît de compétitivité ou la prolongation d’échanges commerciaux. Quoi qu’il en soit, l’objectif premier des entreprises s’implantant en Chine est et doit être de servir le marché intérieur chinois. La Chine peut toutefois aussi permettre l’élaboration d’une offre pour les marchés émergents, voire constituer une plateforme de sourcing. Les activités de recherche & développement s’y développent depuis quelques années.
L’enjeu pour Ubifrance Chine est donc celui d’un volontarisme raisonné : inciter les entreprises françaises qui en ont le profil à se tourner résolument vers cette destination majeure pour leur développement économique, mais en les prévenant des exigences de cette destination lointaine et ardue. Le marché chinois est en effet très concurrentiel, non seulement parce que toute la concurrence mondiale y est positionnée mais aussi parce qu’émergent des entreprises chinoises très compétitives, desquelles il importe de se différencier par la qualité des produits (marché de niche) et du management.
LDS : Il ne paraît pas évident pour les entreprises françaises d’aborder ce marché que vous dites intéressant autant qu’exigeant. Quelles recommandations générales feriez-vous à celles qui souhaitent développer une activité dans ce pays ?
IF : En premier lieu, la Chine est un marché pour des entreprises déjà expérimentées à l’international. Par conséquent, il nous semble délicat pour un primo-exportateur de se tourner d’emblée vers la Chine. Les entreprises qui présentent le plus fort potentiel sont celles dont le chiffre d’affaires à l’export est régulier et significatif. En Chine, les villes phares comme Shanghai mais aussi Pékin, Shenzhen, ou Canton, sont en première analyse plus rassurantes, compte tenu de la densité des entreprises internationales, donc de l’habitude prise par les administrations à apporter un service prévisible et de qualité aux exportateurs/investisseurs. Certaines PME, en nombre limité, ont cependant choisi d’emblée d’autres villes de Chine avec succès, soit à cause de leur dominante sectorielle (jeux vidéo à Chengdu par exemple), soit à cause d’un cadre de vie favorable (Dalian, Xiamen) et d’une pression concurrentielle moindre. C’est dans ce cadre que nous avons monté, depuis 2010 en collaboration avec la CCIFC, le programme « Chine, Villes d’avenir » qui vise à diversifier les points d’entrée sur le marché chinois pour les entreprises françaises (au programme en 2011 : Qingdao, Changsha, Xian, Kunming).
En second lieu, l’expérience internationale se mesure aussi en fonction de la taille de l’entreprise et de sa santé financière. Un développement en Chine passe par une phase d’investissement, même sans ouverture de structure, de plusieurs milliers d’euros, en cash. Il est donc clair que les entreprises de taille intermédiaire, les fameuses ETI sont les mieux placées pour réussir. Elles peuvent s’appuyer sur les services de la COFACE et d’OSEO pour le financement de leurs exportations et l’obtention de garanties pour la sécurisation de leurs investissements, notamment pour les entreprises innovantes.
En troisième lieu, l’engagement fort du patron et de l’ensemble de l’entreprise est requis pour que la stratégie d’expansion en Chine soit payante. Les PME françaises qui réussissent en Chine le disent : l’implantation en Chine est l’occasion pour l’entreprise de se confronter à ses propres limites pour devenir plus compétitive sur un marché très concurrentiel. Il convient donc d’éprouver la motivation du patron lui-même et sa capacité à entraîner l’ensemble de ses collaborateurs dans sa démarche. La Chine n’est pas un marché pour l’opportunisme et les “coups” : il convient par des déplacements fréquents d’asseoir sa notoriété et de garantir la confiance de l’écosystème chinois. La réactivité est aussi une qualité requise pour répondre à la demande chinoise : il faut donc veiller à ce que les capacités de production restent en adéquation avec les attentes du marché chinois, qui peut devenir très vite très absorbant.
Enfin, le positionnement sur une niche, la qualité du produit, l’innovation constituent des garanties claires de succès. Les entreprises qui sont leaders ou outsider sur le marché mondial, dans une niche donnée, très différenciée, ont clairement les meilleures chances de réussite. Les attentes en termes de qualité, d’adaptation du produit aux spécificités locales, et en termes d’apports de savoir-faire et de technologies sont élevées. La différenciation et le positionnement de gamme sont donc des caractéristiques critiques des PME qui réussissent en Chine : il convient d’apporter une différence et de la cultiver.
FB : Pour un entrepreneur, l’installation en Chine est fréquemment couronnée de succès, mais ils sont ardus à obtenir. Les PME – la majorité des installations actuelles – doivent donc s’attendre à faire face à des difficultés d’installation : de nombreux marchés ne sont pas encore arrivés à maturité, alors que la concurrence s’accroît de la part des entreprises chinoises. Par ailleurs, le développement de la Chine ne va pas toujours de pair avec une ouverture accrue de ce pays et les entreprises étrangères souffrent du resserrement des conditions d’investissement. Les solutions à mettre en place pour accroître ses chances de succès en Chine consistent à sortir de l’isolement dans lequel se retrouve enfermé l’entrepreneur :
•d’un point de vue financier, mobiliser des crédits suffisants (il ne faut pas sous-estimer le coût d’une implantation, ni la nécessité de prévoir des fonds suffisants pour « tenir » jusqu’à la rentrée de recettes, en général plus tardive que prévue) ;•mobiliser également l’expertise de manière coordonnée, en encourageant les échanges d’expérience entre entrepreneurs et en développant leur accompagnement par les grands groupes, dans le cadre des activités organisées par les services d’appui dont c’est la mission ;•enfin, s’installer préférentiellement dans des centres d’entreprise, soit pour l’accueil de structures administratives, soit pour le montage de sites de production. Il y en a à Shanghai ou dans ses environs, il faut les utiliser.A défaut, l’entrepreneur risque de se voir absorbé par la gestion de ses relations avec les diverses autorités, ou avec son bailleur, plutôt que de se concentrer sur la raison pour laquelle il vient en Chine : faire des affaires !
LDS : Existe-t-il des structures chinoises destinées à encourager les investissements français en Chine ? Ou nos entreprises peuvent-elles s’appuyer sur les services de l’Etat, et quel est votre rôle respectif dans ce but ?
FB : L’activité des structures chinoises est essentiellement tournée vers l’appui aux intérêts chinois et au contrôle de la conformité de la présence française (et étrangère, en règle générale) à la loi chinoise. Certains secteurs bénéficient d’incitations, dans le cadre du catalogue des investissements étrangers, en cours de révision. Par ailleurs, des aides spécifiques, d’un montant conséquent, sont accessibles au bénéfice des ressortissants chinois expatriés et revenant travailler dans leur pays.
Il existe en revanche nombre de services français d’appui à l’installation, comme Ubifrance, que dirige Isabelle Fernandez. Je citerais en particulier la Chambre de commerce et d’industrie française en Chine (CCIFC), structure associative de doit privé, qui a un rôle complémentaire. Ses trois antennes de Shanghai, Pékin et Canton ont pour mission de fournir des services d’information, de recrutement et de domiciliation à ses quelque 1.200 membres et d’améliorer leur connaissance du marché. Des collectivités locales françaises appuient également l’implantation des entreprises issues de leur circonscription : l’agence de développement de la région Rhône-Alpes (ERAI) est très active à Shanghai, du fait du jumelage de cette région avec cette ville-province, et propose des services d’accompagnement.
Enfin, outre les services officiels, un grand nombre de sociétés de services se sont installées en Chine pour y accompagner les implantations. Les entreprises préparant leur installation dans ce pays y disposent donc dans tous les domaines (questions juridiques, comptabilité, consultant, ressources humaines) d’une expertise française. J’insiste sur le fait qu’il me semble indispensable d’utiliser cette expertise de qualité pour accompagner son installation. On ne vient pas dans ce pays seul ; on voit trop d’exemples d’échecs sur ce marché qui auraient pu être évités avec une meilleure préparation. Inversement, la Chine réserve des possibilités de succès à qui saura s’en saisir, et donc, à qui saura s’entourer !
Le service économique de Shanghai s’occupe, sous la responsabilité du Chef des services économiques de la France en Chine basé à Pékin, des relations économiques bilatérales pour la circonscription de Shanghai, qui représente près de 25 % du PIB chinois. Son rôle est multiple : il gère, sous l’autorité du Consul général à Shanghai, les aspects économiques des relations avec les autorités locales, en promouvant les intérêts des entreprises françaises dans leur développement en Chine : installation, autorisations, réponse à des appels d’offre, etc.
Le Service économique contribue également à l’organisation des visites officielles pour les aspects économiques : ministres français, députés, membres de l’administration, représentants des collectivités locales, etc. Ces visites ont été particulièrement nombreuses durant l’Exposition universelle mais restent encore très denses, du fait de la richesse de la relation franco-chinoise en Chine de l’Est et des enjeux pour la France de cette région.
Enfin, le service économique suit la conjoncture économique et les grandes évolutions de l’économie chinoise, pour la Chine de l’Est comme, en coordination avec nos autres postes, pour l’ensemble du pays. Parmi ses thèmes de travail : le respect d’une concurrence loyale, la protection de la propriété intellectuelle, la politique industrielle chinoise et le rattrapage technologique et, bien sûr, l’implantation française en Chine. C’est cet aspect que je développerai particulièrement ici.
IF : Ubifrance est le service commercial de l’Ambassade de France en Chine : il a accompagné en 2010 plus de 1.550 entreprises françaises en Chine dont près des 2/3 sur Shanghai. L’équipe Ubifrance Chine à elle seule, qui est composée de 90 personnes réparties dans 6 bureaux (Shanghai, Pékin, Canton, Chengdu, Wuhan et Hong Kong), a accompagné 1.200 entreprises, et 350 supplémentaires via des subventions publiques (SIDEX et labellisation).
Il s’agit d’opérations sur des grands salons chinois, de colloques du savoir-faire français, d’accompagnement individuel d’entreprises françaises (qualification de contacts et missions de prospection). Nous travaillons aussi sur des études de marché, des prestations de communications pour le compte des entreprises. Nous venons de réaliser plus de 42 panoramas sectoriels retraçant les meilleurs opportunités de marché en fonction de l’offre française pour notre programmation 2012. Enfin, nous gérons la procédure de soutien de l’emploi aux jeunes à l’international, le VIE, où la Chine rassemble plus de 650 français et françaises venant faire une première expérience professionnelle (réussie car 50% sont employés à la fin du VIE).
A titre d’exemple, voici un certain nombre d’actions qui mobilisent les collaborateurs d’Ubifrance :
•Nous nous sommes fortement mobilisés pour tirer parti du succès de l’Exposition universelle : une quarantaine d’opérations collectives (dont 10 labellisées) ont mobilisé plus de 450 entreprises, faisant écho au thème de l’Exposition « une ville meilleure pour une vie meilleure » (« Better city, Better Life »). Nous avons répondu à un afflux de demandes individuelles en liaison avec l’Exposition qui a changé le regard de nombre d’entreprises françaises sur la Chine. Nos équipes ont conçu des événements spéciaux, parmi lesquelles La Fête du Pain, en présence du meilleur ouvrier de France, ou un colloque architecture organisé en liaison avec l’association d’architectes AFEX. •En matière de TIC, nous organisons une forte présence française au Salon « Lazer World of Photonics », ainsi qu’une mission découverte « Jeux Vidéo » ;•Dans les transports, un pavillon France est préparé pour le Salon « Transport Logistic China », qui organisera la venue des 10 plus grands ports français, ainsi que sur le salon « Metro China ».
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