Monsieur le ministre, comme chaque année, je vais vous entretenir non pas de l’action extérieure de la France, sujet qui m’intéresse toutefois au plus haut point, mais des crédits qui y sont affectés et qui sont évidemment indispensables pour que, sous votre conduite, cette action soit menée.À cet égard, depuis votre entrée en fonction, je me demande si votre ministère n’a pas qu’une seule priorité, à savoir la scolarisation des enfants des Français établis hors de France. Il s’agit d’un sujet extrêmement important, pour lequel le Président de la République a fait un choix simple : assurer la gratuité de l’enseignement français à l’étranger dans les établissements conventionnés de notre important réseau pour les élèves de terminale et de première, et, prochainement, pour ceux de seconde.Je suis de ceux qui pensent qu’un tel choix est à la fois porteur et bénéfique pour les Français de l’étranger, lesquels peuvent ainsi faire scolariser leurs enfants pratiquement dans les mêmes conditions que nos compatriotes de métropole.Je constate néanmoins avec regret que, sur ce point, les choix du Président de la République sont contestés dans sa propre majorité. En effet, conformément à ce que souhaite la gauche, certaines associations de parents d’élèves, des parlementaires, des membres de votre ministère et vous-même, me semble-t-il, pensent qu’il aurait été plus judicieux d’augmenter les bourses données aux familles dont les revenus sont les plus modestes plutôt que d’assurer la gratuité.
M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes. Je n’ai pas dit cela !
M. Jean-Pierre Cantegrit. Les représentants des Français de l’étranger sont partagés. Toutefois, nous nous rappelons que la promesse de François Mitterrand en 1981 d’assurer la gratuité totale de l’enseignement pour tous les Français de l’étranger s’est soldée, à la fin de son mandat, par le doublement des frais de scolarité pour ces familles.
Selon moi, l’engagement pris, au cours de sa campagne, par le Président de la République est porteur, même s’il est sélectif ; il a le mérite d’engager résolument une action. Soyons encore plus clairs : le Président n’a pas décidé d’augmenter les bourses scolaires. Ne détournons donc pas sa décision. Je soutiendrai donc l’amendement de mon collègue Robert del Picchia, qui a le mérite de vouloir dresser un bilan avant toute décision.
Mais un autre problème, monsieur le ministre, me guide dans mon intervention : celui de la couverture sociale des Français de l’étranger.
M. Bernard Kouchner, ministre. C’est légitime !
M. Jean-Pierre Cantegrit. Certains d’entre eux ne sont-ils pas dans une situation précaire, voire difficile, qui nécessite une aide de notre pays leur assurant un minimum de couverture sociale ?
J’ai essayé dans le passé de vous intéresser à ce sujet, mais, je dois l’avouer, je suis quelque peu consterné du résultat du fonds d’action sociale de votre ministère, dont l’objectif est d’agir en faveur des Français âgés, nécessiteux, handicapés, de soutenir les organismes d’assistance, les sociétés de bienfaisance et les centres médicaux, en ce qui concerne, notamment, les rapatriements.
Monsieur le ministre, vous qui, au cours des années passées, avez mené une action résolue et appréciée dans le domaine humanitaire, je vous interroge : l’action sociale de votre ministère est-elle une priorité ? Si c’est le cas, comment se fait-il que les crédits du fonds d’action sociale stagnent de façon dramatique depuis votre arrivée ? Permettez-moi simplement de citer les montants attribués ces dernières années : 16,810 millions d'euros en 2006, 16,340 millions d'euros en 2007, 16,343 millions d'euros en 2008, soit une diminution en euros constants.
Je siège à la Commission permanente pour la protection sociale des Français de l’étranger depuis sa création. Or la réunion annuelle dont l’objet est de répartir les crédits entre les comités consulaires se résume à une gestion de la pénurie, gestion bien faite, d’ailleurs, par les fonctionnaires de votre ministère.
Sur le pôle social de votre ministère, l’adoption internationale, dotée de 160 000 euros, n’a bien entendu qu’une fonction indicative. L’aide de 16 millions d’euros mise en place pour continuer à prendre en charge les Français âgés ou handicapés inscrits au registre des Français établis hors de France est insuffisante, compte tenu de la progression du nombre d’allocataires, passé de 5 162 en 2006 à 5 214 en 2007, puis à 5 358, en 2008.
M. Jean-Pierre Cantegrit. Dans la mesure où l’enveloppe n’augmente pas dans les proportions attendues, on aboutit bien à une gestion de pénurie, qui rend l’accès à cette allocation de plus en plus difficile pour nos compatriotes expatriés.
Pour ce qui est des sociétés de bienfaisance, qui, dans l’esprit de vos prédécesseurs, au début des années quatre-vingt, devaient pratiquement disparaître, nous constatons leur rôle de plus en plus indispensable devant la défaillance de votre ministère, qui doit être comblée par les associations caritatives, vilipendées à une époque, mais que nous avons toujours défendues et que nous considérons comme incontournables.
S’agissant de la Caisse des Français de l’étranger, la CFE, que j’ai l’honneur de présider, la loi de modernisation sociale votée en 2002, sur l’initiative du gouvernement de M. Jospin, a mis en place une troisième catégorie aidée afin de permettre à un certain nombre de nos compatriotes dont les moyens sont limités d’accéder à cette caisse.
Dans les premières années, on a demandé à la CFE de puiser dans ses réserves pour faire face à la mise en place de cette mesure, dont le relais a été assuré, après deux ans d’existence, par une ligne budgétaire créée spécifiquement au sein de votre ministère. Les choses ont bien fonctionné grâce aux directeurs successifs de la direction des Français à l’étranger, mais force est de constater que, pour 2009, la ligne budgétaire ne prévoit que 500 000 euros, ce qui est tout à fait inférieur à la dépense réelle de cette ligne.
Certes, cette troisième catégorie aidée issue de la loi de 2002 pourra faire face à l’année 2009, compte tenu des avances budgétaires mises en place, et j’en remercie le directeur des Français à l’étranger, mais je ne peux qu’être extrêmement inquiet s’agissant de l’année 2010, puisque ces 500 000 euros ne représentent que moins d’un quart de la dépense réelle. La loi de modernisation sociale de 2002 serait-elle donc remise en cause ?
Je n’ose vous rappeler, monsieur le ministre, que le conseil d’administration de la CFE avait demandé à l’unanimité, en 2007, que cette aide soit portée à 50 % de la cotisation. Le nouveau conseil d’administration de la CFE, qui se réunira au début du mois de janvier 2009, aura à se pencher sur ce sujet.
Le poste « Emploi et formation » est doté de 800 000 euros, destinés à soutenir l’emploi et la formation professionnelle des Français de l’étrange. C’est une très bonne idée, mais ces crédits sont bien entendu totalement insuffisants sur ce sujet d’actualité.
Je ne m’étendrai pas sur les rapatriements, dotés de 500 000 euros et sur les subventions aux centres médicaux sociaux, qui s’élèvent à 280 000 euros. La faiblesse de ces chiffres est tout à fait significative.
Monsieur le ministre, je voudrais vous dire à nouveau mon étonnement que ne soit pas mieux prise en compte au sein de votre ministère, quelles que soient les difficultés budgétaires actuelles, la couverture sociale de nos compatriotes Français de l’étranger.
Nous en sommes bien conscients désormais : nous traversons une crise économique majeure, exceptionnelle, et les Français de l’étranger ne seront pas épargnés.
Des mesures vont êtres prises en France pour aider nos compatriotes en difficulté, en situation d’exclusion. Vous êtes le ministre des affaires étrangères, mais aussi le ministre qui veille sur nos compatriotes expatriés. Il vous appartient donc de vous assurer que ces derniers ne sont pas exclus de la solidarité nationale.
Vous avez fait de grandes choses dans le domaine humanitaire. C’est bien ! N’oubliez pas d’aider les Français âgés, nécessiteux, handicapés, exclus, qui sont de plus en plus nombreux dans le monde.
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