Le Sénateur Joelle Garriaud-Maylam, Sénateur des
Français de l’Etranger introduisait un amendement d’appel lors de la discussion du projet de loi sur la modernisation de
l’économie , visant à attirer l’attention du gouvernement sur la
nécessité d’une amélioration des procédures de traitement des demandes de
visas, avec en particulier un traitement en priorité de celles des acteurs
économiques étrangers, désireux de se rendre en France pour affaires :
Après l'article 32, insérer un article additionnel
ainsi rédigé :
Le chapitre I du titre I du Livre II du Code de
l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est complété par une
section ainsi rédigée : « Section
... : Visa accordé aux acteurs économiques étrangers« Art.
L. ... - Les demandes de visas émanant d'acteurs économiques étrangers
connus des autorités diplomatiques ou des acteurs économiques français
(Chambres de Commerce et d'Industrie, Conseillers du Commerce extérieur,
Assemblée des Français de l'Étranger) et figurant sur une liste établie à cet
effet auprès des ambassades sont traitées en priorité par les autorités
diplomatiques et consulaires ».
Mon
amendement s’inscrivait à la fois dans une démarche de recherche d’efficacité
de nos procédures, mais aussi dans un souci de cohérence, dans le sens de la
politique migratoire du Gouvernement qui privilégie l'immigration économique
choisie. J’ai exposé que si les migrants économiques représentent 16 % des
visas, contre 10 % l'an passé, et 7% en 2006, nous sommes loin encore de
l'objectif de 50 %. Il me semblait que l’on ne pouvait prôner la délivrance
d’une carte de résident (telle que prévue dans cet article 32) « pour une
contribution économique exceptionnelle » et ne pas chercher à améliorer
concomitamment l’accueil dans nos consulats. Aujourd’hui bien des hommes
d'affaires renoncent à venir en France parce que son attractivité est obérée
par les difficultés d’obtention des visas et notamment l’allongement des délais
pour leur délivrance. Nous souffrons d’un retard important par rapport à des
pays comme le Canada, l'Espagne et le Royaume-Uni qui mènent une politique bien
plus dynamique en ce domaine. Ainsi, en 2006, la demande de visas a augmenté de
45 % au Royaume-Uni quand elle baissait de 3,12 % en France. J’ai
enfin souligné auprès de mes collègues que certaines chambres de commerce à
l’étranger, la Côte d’Ivoire par exemple, avaient mis en place un système de
préparation des dossiers de demandes de visas qui permettait d’éviter beaucoup
de refus, et que ce système devrait être examiné, voire généralisé par le
gouvernement, et que la réalisation d’un fichier de ces acteurs économiques
pourrait être très utile à nos entreprises souhaitant exporter ou trouver des
partenaires dans un pays donné.
Madame Lagarde a répondu qu’elle était bien sûr très sensible à notre souci de faciliter l'entrée et le séjour sur notre territoire de tous ceux pouvant y apporter de l'activité économique et a rappelé que le nombre de visas de circulation qui, d'une durée de cinq ans, autorisent un nombre illimité de séjours, dans la limite de trois mois tous les six mois avaient représenté 20 % de l'ensemble en 2007 contre 12 % en 2002. Elle a assuré qu’elle transmettrait ma proposition à Brice Hortefeux.
L'intervention en séance du Sénateur in extenso :
Monsieur le président, madame le
ministre, messieurs les secrétaires d’État, madame et messieurs les rapporteurs
de la commission spéciale, mes chers collègues, en nous soumettant ce projet de
loi en urgence, le Gouvernement nous a présenté d’excellentes mesures, facteurs
de progrès, et nous a annoncé quelques bonnes nouvelles dont nous ne pouvons
que nous réjouir.
Le constat de la situation économique
de la France demeure cependant très préoccupant. Sans vouloir afficher un
alarmisme de mauvais aloi, force est de constater que les indicateurs sont à
l’orange et que nous continuons à perdre des parts de marché.
Certes l’environnement conjoncturel
international est difficile, marqué par une certaine volatilité des marchés,
les secousses des subprimes, la flambée des prix du pétrole et des
matières premières agricoles.
Nous ne pouvons plus continuer ainsi,
et il nous faut absolument, en relançant la croissance, réduire la dette
publique, mettre fin à ces vingt-cinq ans de déficit budgétaire.
D’autres pays ont réussi à réduire,
voire à supprimer leurs déficits ; rien ne nous empêche d’y arriver aussi,
car nous avons tous les talents indispensables à cette fin.
Nous avons un immense besoin de réformes et celles qui sont prônées à travers ce projet de loi de modernisation de l’économie, même si elles sont les bienvenues, ne vont sans doute pas encore assez loin. Nous avons, certes, déjà beaucoup progressé ces derniers mois et le Forum économique mondial, qui nous avait, en 2006, classés au vingt-huitième rang en termes de compétitivité, nous a fait gagner dix places en un an
Les circonstances font que nous avons
actuellement une « fenêtre d’opportunité » et il ne faut pas que nous
manquions ce tournant.
Bravo, madame le ministre, pour cet
excellent texte et pour les dispositions particulièrement novatrices et
opportunes qu’il contient. Je citerai tout particulièrement les dispositions
relatives à la fin des contrats, car elles me semblent essentielles.
Nous avons, en effet, la nécessité
absolue d’apporter plus de flexibilité à notre droit du travail, quelque peu
archaïque et suranné par certains de ses aspects.
Comment ne pas être interpellés par le
fait que, toujours selon le Forum économique mondial, nous sommes dans ce
domaine cent vingt-neuvième sur cent trente et un pays ?
Il nous faut donc impérativement
réformer notre code du travail en facilitant l’embauche mais aussi le
licenciement car c’est la garantie d’une économie plus vivante et plus
dynamique.
Nous avons déjà relativement peu de
petites et moyennes entreprises alors, de grâce, laissons-leur un peu plus de
liberté ! Les exemples britannique et nordique nous prouvent que la
flexibilité en matière de recrutement et de licenciement est une condition
essentielle à la création même d’emplois.
Nous sommes sans doute un peu trop
laxistes ou permissifs, mais il nous faut aussi avoir le courage de voir la
réalité en face. On peut s’interroger sur le fait que notre pays soit, de tous
les États européens, celui où l’on travaille le moins, avec une semaine à
35 heures ; c’est aussi chez nous, hélas ! que sont battus tous
les records en matière d’absentéisme au travail !
Je voudrais également attirer votre
attention, madame le ministre, sur la réduction à soixante jours des délais de
paiement prévue à l’article 6. Une telle mesure était indispensable alors
même que, dans la plupart des autres pays, les clients paient dès la réception
ou à trente jours maximum.
Il conviendrait toutefois de réfléchir
au maintien d’un délai de quarante-cinq jours pour les libraires indépendants,
profession, qui vous le savez, est particulièrement menacée, qui a besoin
d’être protégée et de pouvoir garder plus longtemps en référence un certain
nombre d’ouvrages essentiels.
Cette mesure était vitale pour les PME.
Sans doute pourrions-nous également
aller au-delà de cette mesure en impliquant davantage les banques. Une PME dont
la facture n’est pas honorée se voit compter des agios si elle est à découvert.
Il faudrait sans doute permettre une communication du bordereau à la banque
afin que cette dernière puisse engager une procédure de recouvrement auprès de
la banque du client. Ainsi, la PME serait garantie et pourrait, par conséquent,
se projeter dans l’avenir, et donc investir, changer de statut, mieux exporter
ou créer davantage d’emplois.
Mais au-delà des domaines précis
abordés dans ce projet de loi, c’est toute une culture qu’il faut changer et un
vrai esprit d’entreprise et d’engagement qu’il nous faut créer en France pour
faire revenir la croissance. Nous devons remettre le travail au cœur de notre
société, afin qu’il en redevienne une valeur intrinsèque.
La réalité de certains sondages
comparatifs est, à cet égard, insupportable : interrogés sur le parcours
idéal à leurs yeux, l’immense majorité des élèves des classes d’affaires en
Grande-Bretagne ou aux États-Unis se voient réussir à la tête d’une entreprise
qu’ils auraient eux-mêmes créée, alors que les élèves français rêvent plutôt,
eux, d’intégrer un grand groupe, avec tout ce que cela peut représenter de
sécurité.
Audaces fortuna juvat est
un proverbe latin que je cite souvent et qu’il me semble important de répéter.
Il nous faut, en effet, donner à nos jeunes compatriotes le sens du risque, le
goût de la création d’entreprise et de la mobilité, la notion du devoir avant
celle des droits, car c’est seulement à ce prix que nous accroîtrons notre
rayonnement économique. Cela, me semble-t-il, passe aussi par un enseignement
ciblé, dès la sixième peut-être, sur ce que sont les enjeux économiques et ceux
du monde de l’entreprise.
Le volet « attractivité du
territoire » de ce projet de loi me paraît fondamental, mais vous ne vous
étonnerez pas qu’en tant que sénateur des Français de l’étranger je veuille
également évoquer son indispensable corollaire, le dynamisme de notre pays
au-delà des frontières extérieures et la conquête de nouveaux marchés.
Mais revenons-en au volet
« attractivité du territoire ». Le baromètre de l’attractivité du
site France que publie un grand cabinet international place notre pays en 2007
à la deuxième place européenne en nombre d’implantations internationales et à
la cinquième place en nombre d’emplois. L’attractivité existe donc déjà.
Il suffit d’évoquer l’expression
allemande du bonheur « wie Gott in Frankreich » pour savoir
que la France est encore souvent considérée comme un pays de cocagne où la
qualité de vie est l’une des meilleures du monde.
Certains de mes collègues devraient
davantage aller voir dans d’autres pays ce qui s’y passe.
Pourquoi ne réussissons-nous pas
mieux ? Si nous interrogeons nos amis étrangers, la réponse à cette
question est simple : trop d’impôts, trop de bureaucratie, une
réglementation excessive et abusive du travail, pas assez de souplesse ou de
mesures d’incitation !
En France, la création ou
l’installation d’une entreprise est considérée comme un parcours du combattant.
Il nous faut absolument simplifier et rationaliser nos procédures, faciliter
les démarches des investisseurs, développer dans notre pays la notion d’accueil
et de service.
Certes, les mesures incitatives
relatives à l’obtention d’une carte de séjour ou de résident constituent des
éléments extrêmement intéressants. Toutefois, c’est à l’étranger, dans nos
consulats, que devrait toujours commencer la démarche d’intensification de
l’attractivité de notre pays. Notre collègue Adrien Gouteyron, par ailleurs
vice-président du Sénat, ne s’y est pas trompé dans l’excellent rapport qu’il a
consacré aux ambassades et consulats français à l’étranger.
C’est pour cette raison que j’ai
proposé un amendement visant à accorder une certaine priorité dans l’obtention
des visas aux responsables et acteurs économiques, connus de nos autorités
diplomatiques ou consulaires ou de nos responsables locaux – chambres
de commerce, conseillers du commerce extérieur ou Assemblée des Français de
l’étranger –, pouvant se porter, dans une certaine mesure, garants de leur
légitimité. Une liste de ces acteurs serait actualisée à l’ambassade et
pourrait donc servir également d’outil de travail.
En effet, combien de marchés ou
d’affaires n’avons-nous pas ratés parce que ces acteurs économiques
n’arrivaient pas à obtenir un visa dans des délais raisonnables ou se le voyait
refuser sans la moindre explication ?
J’ai d'ailleurs eu l’occasion
d’intervenir sur cette question tout récemment, lors de notre débat relatif à
la politique étrangère de la France, et de souligner la nécessité d’une
meilleure appréhension de notre présence diplomatique et consulaire, notamment
en ce qui concerne la formation, la compétence et la durée du séjour de nos
agents à l’étranger. Je n’y insisterai donc pas.
En tout cas, notre présence culturelle
et audiovisuelle doit absolument être soutenue – j’y reviendrai dans le
cadre de la discussion des amendements.
Toutefois, à l’heure où notre déficit
commercial bat tous les records, à près de 40 milliards d’euros en 2007,
je voudrais simplement souligner combien nous devons veiller à l’image de la
France, telle qu’elle se trouve véhiculée à l’étranger par les médias, mais
aussi au respect des principes de souveraineté.
Combien d’États ne se sont-ils pas
offusqués que des journalistes français prennent fait et cause pour un parti
politique donné, sans rechercher l’impartialité ou même sans le moindre souci
de la sécurité de nos compatriotes expatriés ?
Néanmoins, cette attractivité passe
aussi par l’accueil dans nos aéroports. Si le nouveau terminal de Roissy
constitue une magnifique réussite architecturale, qu’il convient de saluer, le
processus d’entrée sur notre territoire mérite d’être largement réexaminé, et
il serait utile, me semble-t-il, de procéder à un audit sur cette question.
Quelle image la France donne-t-elle,
lorsque, à l’arrivée très matinale de vols internationaux, des centaines de
passagers doivent faire des queues interminables parce que le nombre des
guichets de contrôle se limite à un ou deux ?
Combien de passagers étrangers se
sont-ils jurés, en quittant notre pays, de ne plus y revenir, excédés eux aussi
par les attentes interminables au contrôle des passeports ?
En fait, c’est tout un état d’esprit
qui doit être transformé, et nous ferions bien de nous inspirer de certains
États partenaires pour inculquer à tous ceux qui se trouvent en contact avec
des étrangers, qu’ils soient policiers, douaniers ou chauffeurs de taxi, la
notion d’accueil et de service.
Ne pourrait-on, par exemple, prévoir
l’impression d’une petite fiche « Bienvenue en France » qui pourrait
donner quelques indications de base aux touristes, que ceux-ci viennent en
France pour leur agrément ou pour affaires ? Cette fiche comporterait, par
exemple, les numéros de téléphone essentiels, ou expliquerait qu’il y a,
au-delà du chiffre affiché au compteur des taxis, des suppléments liés au
nombre de bagages.
Il s'agirait d’une mesure toute simple,
qui éviterait peut-être ces réactions très dommageables que vous pourriez lire
dans la presse internationale, mes chers collègues de l’opposition, selon
lesquelles il faut éviter la France parce qu’il y a des fraudeurs dans ce
pays !
Ne pourrait-on apprendre à nos
administrations que la culture de nombreux pays implique que l’on réponde
toujours à une lettre dans les jours qui suivent sa réception ? Nous
aurions d’autant plus intérêt à appliquer cette méthode, qui participe d’un
élémentaire respect, lorsque nous traitons avec des étrangers. C’est avec de
petits gestes comme ceux-ci que l’on perd ou gagne du crédit et des
possibilités d’influence.
Nous avons besoin d’une véritable
stratégie, avec un plan d’action à moyen et à long terme. La semaine dernière,
nous auditionnions dans le cadre de la commission des affaires étrangères et de
la défense l’auteur d’un rapport sur l’expertise internationale, qui dénonçait
l’affaiblissement considérable de notre présence dans les instances internationales.
J’ajouterai une simple question, qui ne
figurait pas dans ce rapport : comment se fait-il que les pays d’Europe
centrale ou orientale aient sollicité l’expertise des États-Unis, avec un
financement de la Banque mondiale, pour créer des écoles nationales de la
magistrature, alors même qu’il n’existe pas d’établissements de ce type aux
États-Unis et que, vous le savez, les magistrats y sont élus ? Nous,
pourtant, nous disposons d’écoles de ce genre, reconnues pour leur excellence,
et notre tradition juridique s’apparente davantage à celle de ces pays. Une
réflexion sur cet échec nous permettrait sans doute de progresser quant au
comportement à adopter en ce domaine…
Nous avons besoin de coordonner nos
efforts en matière d’économie internationale, de coopération et de
développement. Nous avons besoin de sélectionner les meilleurs talents, les
meilleurs chercheurs, ce qui passe non seulement par une redynamisation de nos
réseaux, comme Campus France, mais aussi par un soutien accru à nos lycées
français à l’étranger. Toutefois, encore faut-il pouvoir accorder des visas et
des bourses et accueillir dans de bonnes conditions d’encadrement ces
étudiants !
Pour créer de nouveau un cercle
vertueux, où le respect – si important, comme notre débat d’aujourd'hui
l’a montré ! – figurerait au centre de notre politique, nous avons
besoin d’un grand sursaut national et de plus d’audace dans les réformes, même
et surtout si celles-ci sont difficiles.
Madame le ministre, vous avez parlé
fort justement de courage. Ce projet de loi s’inscrit dans cette logique, et je
vous en remercie.
Commentaires