Exposés des motifs : Mesdames, Messieurs, La hausse du nombre de divorces observée depuis quelques années interroge autant le rôle de la famille dans nos sociétés occidentales que la place qui y est accordée à l’enfant. Pour n’être pas toujours consensuel, le divorce n’est jamais sans conséquence pour le développement de celui-ci. Aussi, les divorces binationaux n’en sont que plus délicats dès lors qu’il est question du bien-être de l’enfant. L’augmentation du nombre d’enlèvements parentaux internationaux impliquant des ressortissants japonais participe de l’inquiétude grandissante qui s’exprime pour protéger les enfants des effets nuisibles de leur déplacement illicite ou de leur rétention au-delà des frontières françaises notamment.
En cas d’enlèvement par un parent japonais d’un enfant résidant sur le territoire français, les décisions judiciaires françaises ne sont pas reconnues par la justice japonaise. Le Japon n’a pas à ce jour signé la Convention de La Haye du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l’enlèvement international d’enfants, laquelle Convention vise tout à la fois à faciliter l’accès à la justice dans tous les États signataires mais aussi à protéger les intérêts de l’enfant enlevé. Le but de la Convention de La Haye est de revenir, le plus rapidement possible, au statut quo existant avant ce déplacement. Elle garantit les droits des deux parents à accéder à leur enfant. De la reconnaissance de ces droits, dépend l’équilibre de celui-ci.L’absence de convention bilatérale entre la France et le Japon rend de même délicat le travail des autorités françaises afin que soient respectés les droits des deux parents à exercer leurs responsabilités parentales. Les parents privés de leur enfant enlevé vers ou depuis le Japon ont ainsi, en l’état, peu d’espoir de le voir revenir et de grandes difficultés à y accéder ; le Japon et la France ne partageant ni la même conception de la famille, ni la même conception du droit de visite. L’article 766 du code civil japonais permet ainsi au juge d’ordonner toutes les mesures dites nécessaires à l’intérêt de l’enfant, dont celles d’accorder ou de refuser un droit de visite, sachant par ailleurs que dans les affaires familiales, l’absence d’exécution des jugements n’est pas sanctionnée. L’article 819 prévoit quant à lui que la garde de l’enfant n’est accordée qu’à un seul parent : la mère dans 80 % des cas. Le père n’étant pas considéré -sur la base du socialement construit- comme la personne la plus importante au développement de l’enfant.
Le gouvernement japonais a récemment pris des initiatives encourageantes, au nombre desquelles figurent la création d’un comité de conciliation franco-japonais et la collaboration entre les ministères de la Justice et des Affaires Étrangères. Par ces démarches, le Japon admet l’existence du problème des enfants franco-japonais privés de liens avec l’un de leurs deux parents. Il est aujourd’hui possible d’améliorer cette situation avec l’objectif de permettre aux enfants franco-japonais, entre autres, de conserver des liens avec chacun de leurs parents.
La ratification par le Japon de la Convention de La Haye de 1980 sur les aspects civils de l’enlèvement international d’enfants permettrait la reconnaissance des droits parentaux, laquelle dispose en outre qu’un État n’est pas obligé d’ordonner le retour de l’enfant s’il est établi « qu’il existe un risque grave » qui l’expose « à un danger physique ou psychique ou (…) le place dans une situation intolérable » (Article 13). Sur les 191 États reconnus par l’ONU, 82 ont d’ores et déjà adhéré à la Convention de La Haye. La ratification par le Japon de ladite Convention constituerait un progrès de même qu’elle bénéficierait aux parents japonais privés de leur enfant.
PROPOSITION DE RÉSOLUTION
Article Le Sénat,
Vu l’article 34-1 de la Constitution,
N Rappelant que la présente proposition de résolution n’a nullement pour objet de remettre en cause la souveraineté du Japon ;
O Affirmant son respect des différences culturelles entre le Japon et la France, ainsi que son attachement aux liens d’amitié qui unissent le Japon et la France ;
P Rappelant que le Japon est partie à la Convention de New York du 20 novembre 1989 relative aux droits de l’enfant, dont le préambule rappelle que « la reconnaissance de la dignité inhérente à tous les membres de la famille humaine ainsi que l’égalité et le caractère inaliénable de leurs droits sont le fondement de la liberté, de la justice et de la paix dans le monde », dont l’article 3, alinéa 1, dispose que dans « toutes les décisions qui concernent les enfants, qu’elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale », et dont l’article 9, alinéa 3, dispose que les « États parties respectent le droit de l’enfant séparé de ses deux parents ou de l’un d’eux d’entretenir régulièrement des relations personnelles et des contacts directs avec ses deux parents, sauf si cela est contraire à l’intérêt supérieur de l’enfant » ;
Q Rappelant que le Japon est le seul État membre du G7 à n’avoir pas signé la Convention de La Haye du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l’enlèvement international d’enfant, qui vise à protéger les enfants des effets nuisibles causés par leur déplacement illicite ou leur rétention au‑delà des frontières internationales ;
R Rappelant que la législation japonaise ne reconnaît pas, en matière de droit de la famille, le partage de l’autorité parentale après un divorce et limite le droit de visite à l’appréciation du juge aux affaires familiales ;
S Rappelant que les parents français font face à d’éprouvantes difficultés dans le cadre des procédures de justice qu’ils ont engagées au Japon ;
T Rappelant que certaines décisions judiciaires qui leur accordent un droit de visite ne sont pas systématiquement appliquées en ce qu’elles se heurtent au refus du parent japonais et à l’absence de mesures exécutoires ;
1a Rappelant qu’il en résulte une situation préjudiciable à une trentaine d’enfants issus de couples franco-japonais qui, suite à une séparation ou à un divorce, se retrouvent privés de tout contact avec leur parent français et de liens avec leur second pays ;
1b Rappelant qu’il a été démontré que les enfants privés de contacts avec l’un de leurs parents souffrent d’un déficit affectif susceptible de nuire à leur développement personnel ;
1c Rappelant que les ambassades d’Australie, du Canada, d’Espagne, des États-Unis, de France, d’Italie, de Nouvelle-Zélande et du Royaume-Uni ont, à plusieurs reprises, fait part au gouvernement du Japon de leur inquiétude face à l’augmentation du nombre de cas d’enlèvements parentaux internationaux impliquant des ressortissants japonais ;1dRappelant, comme nous l’avions fait en octobre 2009, auprès de la ministre de la Justice Mme CHIBA et, en janvier 2010, auprès du ministre des Affaires étrangères M. OKADA, que nous avons proposé le 22 octobre 2010 au ministre de la Justice M. YANAGIDA de continuer à travailler étroitement avec le gouvernement japonais sur ce sujet sensible ;
1e Soulignant l’importance de l’avancée que représente la mise en place, le 1er décembre 2009, d’un comité de consultation franco-japonais sur l’enfant au centre d’un conflit parental, chargé de faciliter les échanges et le partage d’informations et de permettre la transmission de documents ;
1f Souhaite que le comité de consultation franco-japonais sur l’enfant au centre d’un conflit parental soit élargi à d’autres ministères tels que ceux de la Justice et des Affaires sociales, qu’il puisse auditionner les associations de parents et qu’il ait la possibilité de mener des actions de médiation entre les parents japonais et français ;1gÉmet le vœu de voir émerger, dans un délai raisonnable, une solution qui, acceptable pour tous, soit respectueuse de l’intérêt supérieur des enfants issus de couples binationaux ;1hAppelle de ses vœux le gouvernement du Japon à définir une position sur la question des enfants binationaux privés de liens avec leur parent non japonais ;1iAppelle de ses vœux la ratification par le Japon de la Convention de La Haye sur les aspects civils de l’enlèvement international d’enfant afin de garantir la continuité et l’effectivité du maintien des liens de l’enfant avec chacun de ses parents.
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