"Tout d’abord, je souhaite indiquer que j’ai travaillé en parfaite intelligence et en parfaite harmonie avec Jean-Jacques Urvoas sur ce sujet et que nous aurions bien volontiers rapporté conjointement cette proposition de loi que nous avons cosignée, si cette solution avait été envisageable. Le 19 novembre 2008, lors de l’examen à l’Assemblée nationale du projet de loi relatif à la commission prévue à l’article 25 de la Constitution et à l’élection des députés, notre collègue René Dosière nous a rappelé que, à la suite de la modification du mode de scrutin pour les élections européennes opérée en 2003, beaucoup de nos compatriotes installés à l’étranger ne peuvent plus exercer leur droit de vote pour ces élections. Soucieuse d’assurer à tous les Français le respect de ce qui constitue un droit civique fondamental et en cohérence avec la création, lors de la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, de sièges de députés représentant les Français établis hors de France, la commission nous a confié, à Jean-Jacques Urvoas et à moi-même, le 25 novembre 2008, la mission d’analyser cette situation et de rechercher, le cas échéant, une solution consensuelle susceptible d’être mise en œuvre avant les échéances électorales de juin 2009. "
En conséquence de la division du territoire national en huit grandes circonscriptions, l’article 28 de la loi du 11 avril 2003 a en effet supprimé la possibilité pour les Français établis hors de France de voter dans les centres de vote consulaires pour les élections au Parlement européen, faute d’avoir prévu leur rattachement à une circonscription. Pour pouvoir participer à cette élection, ils doivent désormais soit voter dans leur État de résidence s’ils vivent dans un autre État de l’Union européenne, soit être inscrits sur les listes électorales en France et voter en personne ou trouver quelqu’un à qui confier une procuration. En juillet 2008, 332 492 Français établis hors de France ne se trouvaient dans aucune de ces deux situations et ne pourront donc pas, en l’état actuel du droit, voter pour les élections européennes de 2009. Après avoir auditionné notamment les deux principales associations représentant les Français établis hors de France, avec Jean-Jacques Urvoas, nous avons élaboré conjointement un texte à l’ambition nécessairement limitée, compte tenu de la nécessité d’une entrée en vigueur très rapide, destiné à proposer une solution ponctuelle pour les prochaines élections européennes, sans préjudice d’une réforme ultérieure appréhendant d’une manière plus globale la situation des Français établis hors de France.La proposition de loi, déposée le 18 décembre dernier, a pour objet : - de rétablir la possibilité, pour les seuls Français résidant hors de l’Union européenne, de participer à l’élection des représentants français au Parlement européen dans les bureaux de vote consulaires (article 2) ; - de prévoir le rattachement à la circonscription Île-de-France des Français participant à ce scrutin dans les bureaux de vote consulaires (article 3) ; - de prévoir que, pour la distribution des sièges de représentants français au Parlement européen entre circonscriptions, il est tenu compte non seulement de la population des circonscriptions mais également, pour la circonscription Île-de-France, du rattachement des Français votant dans les bureaux de vote consulaires à cette circonscription (article 1er). La volonté de permettre à tous les citoyens français de pouvoir participer à la désignation des représentants au Parlement européen, qu’ils habitent dans l’Union européenne ou dans le reste du monde, est non seulement légitime mais s’inscrit en pleine cohérence avec le Traité sur l’Union européenne tel qu’il résultera du Traité de Lisbonne. Le point 2 de l’article 14 de ce futur Traité prévoit en effet que « le Parlement européen est composé de représentants des citoyens de l’Union ». Or, l’article 9 du même Traité précise qu’« est citoyen de l’Union toute personne ayant la nationalité d’un État membre ». Il est donc légitime de permettre à tout Français de voter aux élections européennes pour désigner des représentants. Comme l’indique l’exposé des motifs de la proposition de loi, « l’objectif est d’aboutir à une disposition législative simple, qui puisse être applicable dès le prochain scrutin, le 7 juin 2009, sans préjudice de l’adoption, dans un second temps, de dispositions législatives plus ambitieuses destinées à mieux associer les Français de l’étranger à la désignation des représentants au Parlement européen ». Le fait de n’avoir proposé une possibilité de vote dans les circonscriptions consulaires que pour les Français résidant hors de l’Union européenne se justifie de ce point de vue par la volonté de proposer une solution qui permette d’éviter l’instauration d’un contrôle de l’absence de double vote. L’objection selon laquelle on créerait deux catégories au sein des Français de l’étranger n’est pas pertinente, dans la mesure où aujourd’hui les Français vivant dans l’Union européenne sont déjà traités différemment, puisqu’ils peuvent voter aux élections européennes soit dans leur commune de rattachement s’ils en ont une soit dans leur pays de résidence. Cette solution n’est toutefois pas suffisante pour permettre une application la plus simple possible dès juin 2009. En effet, la rédaction de la proposition de loi laisse aux Français résidant hors Union européenne le choix entre un vote dans les centres de vote consulaires et un vote dans leur commune française de rattachement. Or, il reste trop peu de temps pour permettre à chacun de faire ce choix et pour permettre une nouvelle distinction au sein des listes consulaires. Par conséquent je vous proposerai un amendement afin de limiter en 2009 la possibilité de vote dans les bureaux consulaires aux seuls Français qui ne sont pas inscrits sur les listes électorales en France. L’objectif, qui est que chaque Français ait au moins un lieu où pouvoir effectivement voter pour les élections européennes, aura ainsi pleinement été atteint.
Afin que cette solution restrictive ne demeure pas après les élections de 2009, je vous propose, par un autre amendement, de prévoir qu’à compter des élections de 2014 tous les Français établis hors de l’Union européenne et qui participent aux élections présidentielles dans les bureaux de vote consulaires participent aux élections européennes dans ces bureaux de vote.
Sous réserve de ces modifications, je vous inviterai à adopter cette proposition de loi qui pourrait, si elle fait l’objet d’une navette rapide et efficace, entrer en vigueur dès les élections de juin 2009.
Je vous signale enfin que, d’un point de vue pratique, le surcroît de travail qui en résulterait pour les consulats ne sera pas aussi considérable que ce que l’on pourrait penser : en effet, tous les bureaux de vote consulaire d’Afrique et d’Amérique devront de toute façon être ouverts le jour des élections européennes, pour assurer l’organisation de l’élection des représentants à l’Assemblée des Français de l’étranger. M. Jean-Jacques Urvoas. L’examen de cette proposition de loi fournit bien la preuve qu’il est essentiel d’accorder au législateur un temps suffisant pour examiner les textes qui lui sont soumis : nous n’aurions pas à corriger aujourd’hui les erreurs de la loi du 11 avril 2003 si le législateur avait à l’époque légiféré moins rapidement.
Pour autant, la rapidité du président de la Commission et l’efficacité de son rapporteur pour procéder aux corrections nécessaires doivent être saluées.
Sur le fond, la meilleure solution consisterait sans doute à accorder, au sein du Parlement européen, une représentation spécifique aux européens établis en dehors de l’Union européenne. Une autre possibilité consisterait à créer, pour les Français établis à l’étranger, une circonscription supplémentaire – à l’instar de ce qui a été fait, avec des mécanismes complexes, pour l’outre-mer. Toutefois, la réduction prévue de 78 à 72 sièges pour la représentation des Français au Parlement européen à compter des prochaines élections ne permet pas d’envisager la création d’une telle circonscription.
Ainsi, le choix de rattacher les quelque 300 000 Français de l’étranger, pour le vote aux élections européennes, à la circonscription de l’Île-de-France, se justifie par le fait que le contentieux du vote pour les Français de l’étranger a un ressort parisien, que le ministère des affaires étrangères, qui est pour ainsi dire la préfecture des Français de l’étranger, est situé à Paris, et enfin que cette circonscription, avec 14 sièges, est la mieux dotée des huit circonscriptions.
M. René Dosière. Je me réjouis que l’on mette fin, au profit des Français de l’étranger, à l’anomalie résultant de la loi du 11 avril 2003. J’avais à l’époque signalé cette erreur, qui n’aurait pas été commise si l’on avait pu en débattre normalement. La cause de ce dysfonctionnement provient non pas du dépôt, par l’opposition de l’époque, d’environ 14 000 amendements, mais de l’utilisation par la mise en jeu par le Gouvernement de sa responsabilité selon la procédure prévue à l’article 49-3 de la Constitution.
Cette modification du mode de scrutin pour les élections européennes, consistant à créer 8 grandes circonscriptions pour la France, était officiellement motivée par la volonté de rapprocher les élus de leurs électeurs. En réalité, on s’est moqué des Français, car le véritable objectif politique était, en supprimant la circonscription nationale unique, de dispenser les principaux responsables politiques nationaux d’avoir à conduire les listes et, ainsi, à affronter le jugement des électeurs. Ce n’est pas avec de tels calculs politiques que l’on intéressera davantage nos concitoyens à ces élections et que l’on fera progresser la cause européenne.
M. Thierry Mariani, rapporteur. Je suis entièrement d’accord avec la position de Jean-Jacques Urvoas et je suis également favorable à la création d’une neuvième circonscription, à terme, pour l’élection des représentants français au Parlement européen.
Je voulais vous rappeler que les Français de l’étranger sont 860 000 inscrits sur les listes électorales, plus de 1,4 million de personnes recensées et près de 2 millions de personnes estimées. Il s’agit d’une population dont le vote diffère désormais peu de celui de la métropole, comme en témoignent les dernières élections présidentielles.
Je voulais enfin rectifier l’affirmation de mon collègue Dosière sur un point : la loi de 2003 n’a pas exactement privé de droit de vote les Français établis hors de France, elle a simplement supprimé la possibilité pour ces Français de voter dans les consulats.
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