Monsieur le président, madame le ministre,
mes chers collègues, mon intervention sera brève car, à ce stade de la
discussion et à cette heure tardive, je ne souhaite revenir ni sur
l’architecture générale du projet de loi ni sur le détail de ses grandes
orientations déjà largement exposées par les collègues qui m’ont précédée dans
ce débat. Je me limiterai donc à attirer votre attention sur un point concret
et précis qui concerne un nombre croissant de nos compatriotes rapatriés de
l’étranger.
Mais je souhaiterais tout d’abord vous
remercier, madame le ministre, de vous être attelée avec détermination à ce
dossier capital de l’accès au logement, en en faisant une priorité nationale.
Vous avez su prendre la mesure des obstacles qu’il nous reste à surmonter pour
résoudre ce problème crucial et récurrent, pour instaurer une véritable mixité
et par là même une cohésion sociale par la redynamisation de nos banlieues et
de nos quartiers difficiles, en sortant ces derniers de ce processus infernal
de ghettoïsation qui les menaçait.
Trop nombreux sont encore les Français
qui vivent mal sur notre territoire, trop nombreux sont encore à souffrir de
l’absence de logement, ou d’un logement indigne d’eux, indigne de nous. Ces
situations de détresse sont inacceptables, car l’accès au logement est la clef
de toute intégration ou réintégration réussie et la condition essentielle de
l’épanouissement de nos concitoyens. Nous ne pouvons tolérer qu’autant d’entre
eux soient encore des mal-logés, voire des sans-logis.
Bien sûr, nous sommes nombreux dans cet
hémicycle à regretter, malgré le contexte de crise immobilière et d’inquiétudes
économiques, que le texte n’aille pas assez loin. Nous voudrions bien sûr
encore plus, encore mieux, mais nous ne pouvons pas ne pas saluer les efforts
réalisés en ce domaine et les
Mais je voudrais surtout attirer votre
attention, madame le ministre, sur une catégorie de Français qui, si elle n’est
pas à proprement parler exclue en droit du dispositif, l’est
quasi-systématiquement dans la pratique. Il s’agit d’un nombre croissant de nos
compatriotes, précédemment établis à l’étranger et qui se voient contraints de
rentrer en métropole, soit à la suite d’événements géopolitiques graves – comme
en Côte d’Ivoire, au Tchad ou au Liban pour ne mentionner que ceux-là –,
soit, et ces cas deviennent de plus en plus fréquents, en raison de la
semi-indigence de leur situation induite, par exemple, par les accidents de la
vie ou par le non-paiement des retraites par certains États voyous.
Eh oui, mes chers collègues, les
Français de l’étranger ne sont pas ces privilégiés, ces exilés fiscaux partis
se reposer à l’ombre des cocotiers, comme voudraient nous le faire croire
certains esprits plus ou moins bien intentionnés ! Lorsqu’il y a
détérioration de l’économie dans leur pays de résidence, ils en sont souvent
les premières victimes, et les plus gravement atteintes.
Certes, une ligne budgétaire a été
ouverte dès 1977 par le gouvernement de Raymond Barre pour l’assistance aux
Français nécessiteux, mais ces crédits restent largement insuffisants et n’ont
pas été réévalués depuis maintenant plusieurs années alors que les demandes ne
cessent de croître.
La seule solution pour ces Français de
l’étranger, qu’ils soient victimes des guerres ou des crises économiques, est
le retour en France, et donc la recherche d’un logement à loyer modéré, après
un passage par le CEFR, le Comité d’entraide aux Français rapatriés. Cet
organisme accomplit un travail remarquable d’accueil et de soutien à ces
réfugiés, mais la pauvreté de ses ressources ne peut guère permettre de
miracles. C’est la raison pour laquelle j’ai déposé une proposition de loi
visant à ce qu’un fonds de solidarité soit institué en faveur des victimes d’événements
politiques les contraignant au retour en France. Mais il s’agit là d’un autre
débat …
Il est inacceptable, madame le
ministre, que ces Français, à leur retour en France, soient une deuxième fois
des victimes – souvent silencieuses –, mais cette fois-ci des
victimes du droit français, des effets pervers des lois de décentralisation.
N’ayant pas de rattachement territorial spécifique, ils sont exclus du bénéfice
des mesures prises dans le cadre des collectivités locales et donc des
mécanismes régionaux ou locaux d’attribution des logements.
Les Français de l’étranger sont
victimes d’absurdités bureaucratiques et réglementaires. À cet égard, je ne
citerai qu’un seul exemple de cette absurdité, qui a sévi pendant onze ans
avant que vous n’y mettiez un terme, madame le ministre, après que plusieurs de
mes collègues et moi-même vous ont alertée à ce sujet. En effet, un décret de
1987 disposait que tout candidat à un logement d’HLM devait fournir ses avis
d’imposition pour les deux années précédant sa demande. Il s’agissait d’une
mesure tout à fait légitime en tant que justificatif de ressources, me
direz-vous ; mais comment fait-on quand on fuit en catastrophe les
événements meurtriers de pays lointains ? Dans de telles conditions,
comment peut-on penser à se munir de ces documents ?
À cause de ce décret, nos compatriotes
ne pouvaient non seulement pas obtenir un logement social, mais ils n’étaient
même pas autorisés à y postuler, puisqu’ils ne possédaient pas les documents
requis. Les autorités locales leur opposaient le fait qu’elles avaient pour
mission « de faire appliquer rigoureusement les textes » !
Afin que des situations aussi ubuesques
ne se reproduisent pas, j’aurais aimé déposer un amendement sur votre
texte ; néanmoins, je n’ai pas voulu alourdir ce dernier ni courir le
risque d’un rejet sur un sujet aussi sensible. Je vous demande donc, madame le
ministre, non pas de faire une entorse aux systèmes régis par le droit commun,
mais de prendre véritablement en compte la situation de ces Français de
l’étranger. Ce serait pour eux le moyen de ne pas être à nouveau des victimes
de nos propres lois de décentralisation.
Je souhaiterais que vous signiez un
arrêté qui donnerait tout simplement comme consigne que les Français de
l’étranger de retour au pays et en situation de dénuement ou de grande
fragilité soient traités comme prioritaires pour l’attribution d’un logement.
Rappelons-le, il s’agit souvent de personnes âgées, de personnes handicapées,
de victimes de guerre ou encore de femmes abandonnées sans ressources, souvent
sans aucune famille ou relations en France. Pour eux, encore plus sans doute
que pour nos autres compatriotes dans le besoin, l’obtention d’un logement est
le préalable indispensable à une réinsertion professionnelle ou sociale.
Un tel arrêté contribuerait à rétablir
une forme d’équilibre en faveur de ces Français trop souvent méconnus, trop
souvent oubliés, mais qui, tout autant sinon plus que nos autres concitoyens,
méritent de prendre leur place dans les dispositifs de solidarité nationale. Ce
ne serait là que justice. Je vous remercie, madame la ministre, de ce que vous
pourrez faire en ce sens.
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