Vendredi matin, au grand jour du lancement des JO
de Pékin, George Bush et le président chinois, Hu Jintao, inaugureront la
nouvelle ambassade des États-Unis, en plein cœur du quartier des affaires de
la flamboyante capitale de l'empire du Milieu.En face de ce bâtiment de fière
allure, ils pourront contempler une friche de deux hectares, surmontée d'un
panneau : «Ambassade de France». Ce terrain est le seul chantier fantôme
de Pékin. Il a englouti des sommes faramineuses. Le ministère des Affaires
étrangères, déjà fustigé par la Cour des comptes pour la gestion calamiteuse de
son parc immobilier, s'est surpassé en Chine.L'affaire débute en 1997. La
France achète un bail de 70 ans, pour construire sa nouvelle ambassade à Pékin,
moyennant la somme de 100 millions de francs. C'est un peu au-dessus du
prix du marché de l'époque, mais le terrain est remarquablement situé. De plus,
les fonctionnaires du Quai d'Orsay sont cloîtrés dans une chancellerie évoquant
un petit bunker stalinien. L'on ambitionne également de construire un nouveau
lycée français sur ce grand terrain. Les 100 millions sont entièrement
payés par la France en 1999. La construction de la nouvelle ambassade doit
avoir débuté avant le 29 septembre 2002. Sinon la mairie de Pékin pourra
reprendre ce terrain, comme l'y autorise un règlement municipal.
Le
29 septembre 2002, le terrain tricolore est toujours vierge. Pas de
concours lancé. En ce 8 août 2008, c'est encore pire : les diplomates
de Pékin ont tout fait pour compliquer ce dossier. Et ils mettent en danger
l'existence même du lycée français de la ville, qui accueille 1 050
élèves, et que Jacques Chirac avait sauvé de justesse, avant son départ de
l'Élysée. Il semble en effet que le terrain soit maintenant perdu pour la
France, et que la nouvelle ambassade n'y verra jamais le jour. Le coût de cette
«opération» a été salé : 100 millions de francs, plus
500 000 euros payés annuellement pour conserver le terrain, plus un
concours d'architecture pour rien, plus dix loyers de bureaux pour abriter les
230 fonctionnaires français à Pékin, plus le coût de location de l'ambassade
actuelle, plus les salaires des spécialistes détachés en Chine (architecte,
trésorier-payeur général…) pour faire avancer le dossier…Après ce fiasco, le
courant ne passe plus entre cette ambassade traditionnellement recroquevillée
sur elle-même et les Français vivant à Pékin. En 2010 en effet, le lycée devra
quitter son emplacement actuel. Et, pour le pire, le destin de cette école est
désormais lié au chantier fantôme du Quai d'Orsay.