Mme Catherine Dumas appelle l'attention de Mme la
secrétaire d'État chargée de la famille sur la législation relative aux
enlèvements parentaux vers des pays étrangers.
L'arsenal juridique interne contre l'enlèvement d'un enfant par l'un de ses
parents sur le sol national, qu'il s'agisse de la non-représentation ou de la
soustraction de mineur, est très complet. Les infractions sont aisément
caractérisables, les procédures de recherche et d'intervention permettent une
réelle efficacité, et les sanctions prévues sont adaptées.
En revanche, et malgré la ratification de plusieurs conventions internationales
prohibant les déplacements illicites d'enfants, la procédure applicable en cas
de départ de l'enfant à l'étranger reste encore insuffisante, notamment s'agissant
du déclenchement des procédures de prévention et de sauvegarde. Ainsi, les
parents n'ayant pas obtenu de décision d'un juge aux affaires familiales
relative à l'autorité parentale se voient très souvent refuser la possibilité
de déposer plainte pour un enlèvement parental, même quand le déplacement de
l'enfant vers l'étranger est établi. Le délai moyen d'obtention d'un tel
jugement, comme préalable avant toute intervention des services de police, est
du « temps perdu » pendant lequel l'enfant est coupé de tout lien avec le
parent délaissé. L'exigence de cette décision du juge pour déposer plainte et
déclencher l'action publique n'a pourtant pas de fondement légal. Cette absence
de décision du juge aux affaires familiales est également souvent invoquée pour
justifier un refus d'établir une interdiction de sortie de territoire. La
circulaire du 11 mai 1990 du ministère de l'intérieur relative au
franchissement des mineurs de nationalité française autorise pourtant tout
commissariat ou gendarmerie à inscrire une interdiction de sortie de territoire
à la demande d'un parent craignant un enlèvement vers l'étranger, sans faire du
jugement relatif à l'autorité parentale une condition préalable nécessaire. Elle
souhaiterait qu'elle lui indique les mesures qui vont être prises pour
renforcer le dispositif juridique de prévention et de lutte contre les
enlèvements parentaux.
La garde des sceaux, ministre de la justice, fait
connaître à l'honorable parlementaire qu'elle est particulièrement sensible à
la situation des enfants déplacés, à l'occasion d'un litige familial, vers un
pays qui n'est pas celui de leur résidence habituelle ainsi qu'à la détresse du
parent qui se trouve ainsi brutalement privé de toute relation avec ses
enfants. voire de toute information sur son lieu et ses conditions de vie. En
ce domaine, la Convention de La Haye du 25 octobre 1980 sur les aspects civils
de l'enlèvement international d'enfants, entrée en vigueur en France le 1er
décembre 1983, institue une coopération entre chaque Etat signataire pour
assurer le retour d'un enfant illicitement déplacé. en partant du postulat que
tout déplacement d'un mineur hors du pays de sa résidence habituelle sans
l'accord d'un des détenteurs de la garde porte gravement atteinte aux intérêts
de l'enfant et constitue une voie de fait à laquelle il faut mettre fin dans
les plus brefs délais. Dans ces conditions dès lors qu'un déplacement illicite
est constaté, le retour immédiat de l'enfant doit être ordonné, le but de la
Convention de La Haye étant de revenir, aussi rapidement que possible, au statu
quo existant avant ce déplacement. Au-delà du mécanisme protecteur de la
convention, il doit être observé que les atteintes à l'exercice de l'autorité
parentale au moyen notamment d'une rétention indue de l'enfant hors du
territoire de la République française sont pénalement répréhensibles et ce
indépendamment de l'existence préalable d'une décision du juge aux affaires
familiales statuant sur la responsabilité parentale. De plus, des mesures de
précaution et de sauvegarde de nature à prévenir les déplacements illicites
existent et reposent notamment sur un système d'opposition à la sortie du
territoire français. Il existe tout d'abord deux séries de mesures provisoires,
prises indépendamment de toute décision judiciaire, la première étant une
procédure spéciale d'urgence valable pour une durée de sept jours, et la
seconde un dispositif d'opposition conservatoire limité à une durée maximale de
quinze jours. En outre, une mesure d'opposition de longue durée, valable un an,
renouvelable d'année en année, bénéficie au parent qui se prévaut d'une
décision de justice interdisant la sortie du territoire de l'enfant ou
subordonnant cette sortie à son accord. Ces diverses mesures entraînent
l'inscription nominative du mineur concerné et de la personne désignée par le
parent requérant comme susceptible d'emmener irrégulièrement l'enfant à
l'étranger au fichier automatisé des personnes recherchées auquel les services
de police nationale et de gendarmerie ont accès par le moyen de terminaux
d'interrogation. De plus, si le parent requérant est en mesure de fournir des
indications sur le poste-frontière ou le secteur géographique par lequel
pourrait s'effectuer la sortie de France, la mesure d'opposition peut être
communiquée aux postes-frontières concernés. Ainsi. s'il peut toujours être
envisagé de renforcer le dispositif juridique de prévention et de lutte contre
les enlèvements parentaux, il convient d'observer que la mise en application de
celui-ci comporte des limites liées notamment à l'accroissement du trafic
international ainsi qu'à l'allégement des contrôles à certaines frontières en application
de conventions passées avec des pays voisins. Au surplus les mesures
préventives se heurtent également au principe de souveraineté des Etats dans la
mesure notamment où les autorités françaises ne peuvent empêcher un consulat ou
une ambassade d'un autre pays de délivrer un passeport à un ressortissant
français qui possède également la nationalité de ce pays et ce alors que, dans
un grand nombre d'enlèvements internationaux d'enfants, les parents et les
enfants ont la nationalité d'un autre pays en plus de la nationalité française.
Dans ces conditions. le système actuel constitue un arsenal préventif
diversifié, auquel il peut être recouru en cas d'urgence, et qui s'avère
entouré de suffisamment de garanties pour demeurer compatible avec la liberté
de chacun d'aller et de venir.
Commentaires