Le Président Nicolas Sarkozy s'exprimait mardi au Palais des Expositions à Shanghai :
Mesdames et Messieurs,
Et si vous me le permettez, mes chers amis,
C’est pour moi une grande joie de vous rencontrer. Je connais l’importance de votre communauté - la plus nombreuse en Chine continentale - et surtout sa croissance spectaculaire, une des plus fortes dans le monde. Il y a plus de 8.000 Français à Shanghai et dans sa région. C'est l’équivalent d’une ville française. Vous allez donc refaire de Shanghai le « Paris de l’Orient ». Rien que pour cela, merci de ce que vous êtes.
On m’a parlé de la jeunesse de votre communauté, de son dynamisme, de sa soif d’entreprendre, des succès de nos entreprises dans un environnement difficile. On m'a parlé de votre confiance dans l’avenir, celui de la ville qui vous accueille bien sûr - et comment en douter lorsqu’on la traverse - mais aussi celui de la France, une France de nouveau sans complexes, sans tabous, une France que nous voulons remettre au travail pour créer de la richesse, pour porter des idées neuves, pour les exporter ici et ailleurs. C’est bien pour cela qu’avec le gouvernement, nous avons entrepris d’importantes réformes dans notre pays pour faire de la France un pays jeune, un pays moderne, un pays où l’on croit dans la réussite, un pays qui prépare l’avenir, un pays qui s’inspire des idées neuves dans le monde et non pas un pays qui les repousse. Et bien, c’est cette France qui est en marche, vous en portez les couleurs à Shanghai.
Alors, quand on arrive à Shanghai, on pense d'abord à un mélange de New York, de Chicago et de Los Angeles. L’architecture, l‘étendue - la moitié de l’Ile de France - mais peut être aussi le rêve shanghaien qui anime Chinois et Occidentaux. Et puis, quand on rencontre ses habitants, son histoire, sa culture, sa tradition cosmopolite, on comprend que c’est bien plus que cela.
C’est déjà la Chine de demain, moderne, immense, ouverte. Je l’ai dit hier au Président HU Jintao à Pékin, la relation franco-chinoise a atteint un degré d’intimité qui nous permet de parler de tout, je dis bien de tout. Je suis venu convaincre nos amis chinois de l'importance pour eux et pour le monde de s'engager pour la stabilité internationale et pour des relations harmonieuses entre les monnaies.
Je voudrais saluer la déclaration historique à l’instant du Premier ministre Chinois qui s’engage sur la convertibilité du yuan et qui reconnaît que le problème qui est posé est un problème dont on doit parler. Je ne doutais pas de la volonté de nos amis chinois de mettre leur puissance au service de la stabilité du monde. En parlant de la monnaie, nous avons montré que des sujets de cette importance ne doivent pas constituer des éléments de conflit entre nous, conflit qui serait stérile ; mais bien au contraire des éléments de réflexion commune pour trouver ensemble des solutions. On ne trouvera pas seul la solution à la difficulté de la stabilisation des taux de change. Il faut que les Américains réduisent leurs déficits. C’était certainement un ami de George BUSH qui était là. On verra ce que les Américains en diront l’année prochaine. Il faut que les Japonais s’interrogent également sur la valeur de leur monnaie. Il faut que nous, les Européens, nous travaillions avec les autres grandes monnaies du monde. C’est un enjeu capital qui a fait l’objet de discussions très approfondies avec le Président Chinois comme avec le Premier ministre Chinois.
Nous avons parlé de la protection de la propriété intellectuelle. J’ai indiqué à nos amis chinois que nous soutiendrons leur demande vers l’économie de marchés mais qu’eux-mêmes devaient développer l’état de droit dans leur propre économie. Nous leur avons demandé de participer à la lutte contre le réchauffement climatique. La Chine est immense et nous avons besoin de la Chine pour préserver l’équilibre de notre planète. Nous n’avons pas dit à la Chine de renoncer à la croissance, nous lui avons dit de croître à la même vitesse, avec la même intensité mais de penser aussi que notre planète ne supporterait pas les dégâts que nos pays ont fait en leur temps, lorsque l’on ne savait pas la gravité de la situation. Et à chaque fois, je veux le dire, j’ai trouvé des interlocuteurs qui étaient prêts à engager ces discussions avec ouverture, à partir du moment où ils avaient le sentiment de se sentir respectés par leur interlocuteur. De mon point de vue, les choses sont claires, il n’y a qu’une Chine, il n’y en a pas deux, il n’y en a pas trois. Et cette Chine doit être considérée comme une très grande puissance. C’est la raison pour laquelle la France souhaite que le G8 se transforme en G13. Mais j’ai dit à nos amis chinois : « vous avez de nouveaux droits dus à votre statut, vous devez en exercer également les responsabilités ». On ne peut pas avoir les droits sans les responsabilités. Et sur toutes ces questions, y compris sur la question des droits de l’Homme, j’ai trouvé des interlocuteurs soucieux de faire comprendre leurs difficultés : créer 25 millions d’emplois chaque année, accueillir 15 millions de nouveaux chinois chaque année. Ce qui se passe ici est sans précédent dans l’histoire de l’humanité. Jamais on n’a vu un tel développement, d’une telle intensité en si peu de temps. On ne doit pas mettre la Chine de côté. On doit, au contraire, faire confiance à la Chine pour qu’elle exerce, avec d’autres grandes puissances dans le monde, un rôle de stabilisation.
D’ailleurs, disons les choses comme elles sont, jamais nous n’aurions pu obtenir les résultats que nous avons obtenus s’agissant du problème angoissant de la Corée du Nord et de la détention de l’arme nucléaire, si les Chinois ne s’étaient engagés avec beaucoup de force pour trouver une solution à ce problème. Cela nous a bien aidé, l’engagement du gouvernement chinois sur le gouvernement soudanais pour amorcer une solution sur la question du Darfour. Nous avons besoin de l’influence chinoise pour que la junte birmane relâche la pression sur la Birmanie. Et nous avons besoin du gouvernement chinois et des autorités chinoises pour la question du Pakistan, dont je rappelle que c’est une grande puissance nucléaire avec 50 millions d’habitants que nous avons tout intérêt à ce que la situation sur son territoire se normalise. Et nous avons besoin des autorités chinoises, dont je rappelle qu’elles ont le droit de veto au Conseil de Sécurité, pour trouver une solution à la crise avec l’Iran. Et si l’on prend le dialogue avec la Chine de cette façon, on peut également dire à la Chine que l’on est préoccupé de la faiblesse du taux de change du yuan, que l’on est préoccupé du non respect de la propriété intellectuelle, que l’on est préoccupé par un certain nombre de difficultés que rencontrent nos entreprises sur le marché chinois. J’ai clairement indiqué que désormais la réciprocité serait la base de nos débats économiques, que nous sommes préoccupés par la question des fonds souverains et que nous voulons en débattre avec nos amis chinois.
Quand je vois Shanghai, je me dis qu’il faut absolument que la France soit présente encore de façon plus importante. C’est la raison pour laquelle j’ai demandé avec Jean-Louis BORLOO que l’on puisse acquérir ou au moins louer sur la longue durée le terrain où se trouvera le pavillon français pour l’Exposition Universelle de 2010 à Shanghai, car je souhaite que la France y réalise quelque chose d’exceptionnel et que cela soit pour vous une installation durable qui permette de soutenir les projets économiques et culturels de la France à Shanghai. Il faut savoir ce que l’on veut, si l’on a de l’ambition, il faut la démontrer.
Shanghai : 20 millions d’habitants, 2,5 millions de véhicules, 300.000 nouveaux Shanghaïens chaque année, ce doit être un cauchemar pour les planificateurs. Et il faut toute l’ambition de la Chine pour avoir choisi la ville du futur pour l’Exposition universelle de 2010. C’est un défi formidable que je veux saluer et auquel nous participerons. Je souhaite d’ailleurs que notre pavillon soit une référence en matière de développement durable.
Mesdames et Messieurs, vous êtes ici, là où le monde bouge le plus. Vous comprenez l’évolution du monde, vous les vivez. Vous êtes dans la compétition la plus acharnée et malgré cela, vous vous êtes fait votre place et en plus, à en voir vos mines réjouies, je ne peux pas croire que cela soit uniquement par notre présence. Encouragements certes, mais je ne peux pas imaginer que vous étiez sinistres avant que l’on arrive et que vous redeviendrez sinistres une fois que l’on sera parti.
Et malgré cela, vous avez fait votre place. Malgré cela, cette aventure que vous avez choisie ici, vous voulez la vivre pleinement. Je vous le dis sans détours, nous avons besoin de vous pour expliquer à nos compatriotes restés dans l’hexagone, ce que signifient les changements du monde. J’ai vu que pour certains, le virage que j’ai pris était un peu en angle droit. Vous vous êtes demandés où je voulais en venir. Je veux en venir tout simplement là. Que la France ne peut pas être immobile quand le monde bouge, que la France n’a pas vocation à être une nostalgie, un souvenir, un musée. Que la France, ce n’est pas seulement le pays de la qualité de vie, que l’on visite en touriste. Que la France doit rester le pays où l’on innove, où l’on recherche, où l’on trouve, où l’on crée, où l’on a envie de réussir, où l’on peut se battre pour gravir l’ascenseur social. La France a tant de fois dans son histoire montré le chemin. La France n’est pas un regret, parce que la France ce n’est pas le passé, la France, cela doit être l’avenir, et c’est vrai, que nous voulons réconcilier la France avec la réussite, avec le travail, avec l’esprit d’entreprise, avec la volonté de réaliser, de créer, de bâtir pour l’avenir. La France doit être le pays du plein emploi et non pas le pays du chômage. Il en va de notre crédibilité. Je ne dirai rien, parce que je sais trop de ce que l’on en fera.
Mais vous savez, il en va d’une question de crédibilité. Quand avec Jean-Louis et Nathalie, nous avons plaidé pour un développement durable en Chine, en disant à nos amis chinois, « fixez-vous un objectif de 50% des émissions de gaz à effet de serre », la crédibilité que nous avons, c’est que nous avons fixé pour la France des objectifs plus ambitieux encore. Je veux une France qui dise aux autres : « regardez ce que l’on fait » et ainsi, on est entendu, et non pas qui leur dise de faire ce que l’on n’a pas le courage de faire nous même.
Pendant trop longtemps, on a fait comme cela. Pendant trop longtemps, on a regardé les autres se réformer et l’on a oublié la réforme. Et nous avons perdu du terrain. Et bien, nous allons regagner ce terrain, pour nos entreprises, pour nos emplois, pour la crédibilité de notre pays. Alors oui, mais nous avons besoin de vous.
Je sais l’espérance suscitée dans votre communauté lors de la dernière élection présidentielle. Je sais ce que je vous dois et au fond, si la France avait voté comme vous, cela n’aurait pas changé le résultat mais on se serait passé du deuxième tour, c’eût été dommage pour le débat. Mais, je vous garantie que l’on va tout faire pour que vous ne soyez pas déçus, pour que vous ne vous sentiez pas trahis. J’ai parfaitement conscience de mes responsabilités. Pendant tant d’années, la politique a perdu. Ils se disaient à quoi bon voter, puisqu’ils ne disent rien pendant les élections, et quand ils disent quelque chose, ils n’y croient pas. Et quand ils disent qu’ils y croient, ils ne le font pas.
Je voudrais que cela change et c’est la raison pour laquelle j’ai voulu l’ouverture, j’ai voulu ouvrir le gouvernement de François FILLON à des personnalités venues d’autres familles politiques parce que pour faire de grandes réformes, il faut des grandes majorités.
Et croyez-moi, j’apprécie chaque jour d’avoir dans le gouvernement que j’ai nommé des personnalités courageuses, comme Bernard KOUCHNER, comme Eric BESSON, comme Martin HIRSCH, qui nous ont rejoint parce qu’ils croyaient, eux aussi, avec leurs différences, qu’il fallait remettre la France en mouvement. C’était plus facile pour eux de rester tranquillement dans leur famille plutôt que de nous rejoindre. Je suis fier de travailler avec eux, ils font beaucoup pour l’image de la France. Pendant tant d’années, la France a donné l’image d’un pays divisé. Je suis très heureux que la France donne l’image d’une classe politique recomposée de façon à ce que nous puissions affronter les grands défis qui sont les nôtres. Mais j’ai voulu cette ouverture aussi pour composer un gouvernement qui représente la France d’aujourd’hui, pas la France d’hier. Et vous savez, quand l’autre jour, j’étais à Washington et que l’on est arrivé à la Maison Blanche, avec Bernard KOUCHNER, avec la première femme ministre de l’Economie et des Finances, Christine LAGARDE - quand vous pensez qu’il a fallu attendre 2007 pour qu’une femme ait cette responsabilité - cela en dit long sur la modernité qu’il fallait donner à notre pays. Et j’ai voulu qu’il y ait parmi nous des femmes de talent, des femmes courageuses. Je veux dire à Rachida DATI mon soutien. Je veux dire que Rama YADE donne aussi avec Fadela, l’image d’un gouvernement qui représente la diversité de la France. On ne peut pas continuer à avoir un pays multiple et avoir des élites qui se ressemblent tous et toutes : même costume, mêmes écoles et surtout mêmes convictions que pour monter, c’est le plus âgé dans le grade, le plus élevé ayant pris le moins de risque possible. Ce temps-là, il est révolu.
Je voudrais dire également à Jean-Louis BORLOO, à Nathalie KOSCIUSKO-MORIZET, à Hervé NOVELLI, bien sûr, aux parlementaires qui sont autour de nous, que je suis fier de cette équipe.
Je vous dirais en terminant, les choses suivantes. Cela fait six mois que je vois beaucoup de journalistes qui disent : « Oh là là ! Vous en avez beaucoup fait, tout cela est relatif. » Parce que j’ai passé une semaine sans faire d’interview à la télévision, ceux-là même qui disaient que je parlais trop se sont dits : « où est-il passé ? ». Et bien voilà. Pékin ce matin, Shanghai cet après-midi. Paris demain. Mais je vais vous dire, au bout de ces six mois, je sens l’espérance qu’il y a et je n’ai pas envie de la décevoir. Et ces six mois-là, ce n’est pas un aboutissement, c’est un commencement. J’aurai l’occasion bientôt de parler aux Français et je leur dirai qu’on est qu’au début du chemin. Pour que les engagements que j’ai pris soient des engagements tenus. Celui du plein emploi, celui du pouvoir d’achat et celui de la promotion sociale.
Mes chers amis, mes chers compatriotes de Shanghai et de Chine, je vais vous dire une chose, dans mon bureau à Paris, quand la journée sera longue, qu’il y aura besoin d’un peu de dynamisme, ce ne sera pas un carré de chocolat que je prendrai, ce sera un souvenir, le souvenir de cette soirée avec vous, magnifique.
Merci
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